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crets de mon ami, alors je pourrai penser que votre réponse, au lieu d’être un jargon bien sec, une battologie de mots enfilés, un cliquetis de paroles, est une véritable réponse. Mais jusque-là, rien.

Vous dites (page 64) que l’opération du supplément de cinquante-six mille à cent trente-neuf mille livres était si simple, qu’on est surpris que je ne l’aie pas présentée dans les premiers tribunaux. Eh bien ! dans votre style, cela veut dire que je l’ai présentée dans les premiers tribunaux. En effet, c’est ce qui est arrivé. Voyez mon mémoire au conseil (page 380 et suivantes).

Tout le reste n’est, comme cela, qu’une plate redite d’objections débattues, bien battues, rebattues, et qui font soulever le cœur à force d’avoir été lues, relues et foudroyées. En voilà trop pour vous ! Suivons votre avocat Légion dans sa consultation des six.

Page 13 de cette consultation, cet écrivain disserte à perte de vue pour prouver l’incertitude de l’art des vérificateurs. On sait tout cela comme lui ; mais jusqu’à ce qu’un meilleur moyen fasse promulguer une nouvelle ordonnance, il est clair qu’il faut s’en tenir à ce que nous avons. Si c’était moi qui eusse ainsi disserté sur l’incertitude de cet art dangereux, quel avantage le comte de la Blache n’en eût-il pas tiré pour sa cause ! Je ne dis mot, je me soumets à la loi ; et, par un renversement singulier, c’est l’accusateur qui fuit de toutes ses jambes à la preuve que cette loi lui offre. A-t-on jamais ouï parler d’une telle bizarrerie ? Et que nous fait que l’Encyclopédie ait prétendu que des faussaires ont eu l’art d’enlever l’écriture ? N’est-il pas absurde d’en appliquer l’observation à un acte fort long, écrit au-dessus d’une signature et d’une date au bas de la seconde ou de la quatrième page d’une grande feuille à la Tellière ?

Cet avocat suppose (page 16, et toujours de sa consultation) qu’il est prouvé que vous n’êtes point avare. Je veux vous faire un tour pendable. Dans l’espérance que ma réplique ira jusqu’à Paris, je veux transcrire ici son passage, il sera ma seule réponse ; on la trouvera sanglante : « Déjà parvenu à un grade honorable, estimé de tous ceux qui le connaissent, il (le comte de la Blache) n’avait donné aucune marque de cette avarice sordide dont le sieur de Beaumarchais l'accuse, etc. »

L’accuse ! Eh ! mais, n’ai-je pas ennobli tant que j’ai pu les motifs de vos procédés, en accolant toujours la haine à l’avarice, au point que l’on me reproche de multiplier les êtres sans nécessité ?

Vous dites, ou l’on dit pour vous (page 30) que je n’ai eu garde de produire l’original de la lettre qui me fut adressée par M. Duverney le 27 juin 1763. Le lecteur doit entendre ici que j’ai produit cet original, puisque vous le niez. En effet, cet original est dans les mains de M. le rapporteur. N’est-il pas fort original qu’on se défende ou qu’on attaque, en portant toujours pour faux ce qui est incontestablement reconnu pour vrai ?

C’est pourtant là tout le secret de vos défenses !

Vous avez cru, lecteur, que je plaisantais, et je l’ai cru comme vous lorsque j’ai dit dans ma Réponse ingénue (page 377) : « Je n’emploierai pas cette première preuve d’intimité : car ON pourrait me répondre qu’ON ne voit pas la nécessité de conclure qu’un homme en aime un autre et le considère, parce qu’il lui prête en plusieurs fois près d’un million sans sûreté. »

Eh bien ! on ne peut rien avancer de si absurde, que le comte de la Blache ne s’en empare à l’instant. Voyez comme il a saisi notre idée (page 34) : « Sans être l’ami intime de quelqu’un, on lui prête tous les jours avec hypothèque et privilége sur un office ou sur d’autres effets… » Près d’un million sans sûreté, devait-il ajouter, pour rendre la réponse complètement ridicule !

(Page 48.) Le consultant nous dit : « Sur l’achat d’une maison à Rivarennes… le sieur Duverney, qui n’aurait pas manqué de répondre sur un objet de cette importance, n’en dit absolument rien. » Souvenez-vous toujours, lecteur, que cela veut dire : M. Duverney en parle beaucoup. Voyez sa réponse à ma lettre précédente du 22 septembre 1769, où cet objet est traité en détail. Ici je lui annonçais seulement que tout était rompu, qu’il ne fallait plus y penser ; ma lettre était une réplique à sa réponse. On ne peut se lasser d’admirer le bon sens ou la bonne foi de tous ces écrivains !

(Page 49.) « Cet article des bois est déjà nettoyé ; vous saurez de combien vous m’êtes redevable sur cette partie. » Phrase de ma lettre du 8 octobre, dont l’avocat abuse à son escient. Voyez-le s’échauffer la tête et suer de l’encre à trouver une contradiction entre cette phrase et celle-ci de ma lettre du 9 janvier suivant : « À cet article des bois près, nous sommes d’accord sur tout le reste. » Mais le sage magistrat qui, sur votre citation, lit mes deux lettres, voit que dans la première il s’agit de calculs de fonds avancés, et que dans la seconde il est question de savoir à qui de nous deux restera l’entreprise des bois ; ce qui n’est point contradictoire. Or, si le lecteur veut s’amuser lui-même à la vérification de ce fait, après avoir relu la citation qui appartient à ma lettre du 8 octobre 1769 : « Ci-joint la copie exacte de l’inventaire général de nos mises de fonds pour les bois. Cet article est déjà nettoyé, et vous saurez de combien vous m’êtes redevable sur cette partie, » il peut remonter à la page 32 du mémoire par ou pour le comte de la Blache, où ma lettre du 9 janvier 1770 est rapportée en entier ; il y verra ces mots : « Vous m’avez prié