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son notaire, l’original de l’arrêté de compte et plusieurs lettres qui y sont relatives, et il invita le comte de la Blache à voir ces pièces.

« Le comte de la Blache et ses gens d’affaires se sont transportés chez Me Mommet ; ils y ont vu plusieurs fois le traité du 1er avril 1770 et les lettres.

« Le sieur de Beaumarchais a fait plus : il a engagé Me Mommet de porter ces mêmes pièces au conseil du comte de la Blache, assemblé chez Me d’Outremont, et de proposer de s’en rapporter à la décision de son conseil sur les difficultés, si l’on pouvait en élever de raisonnables.

« Le comte de la Blache ne lui a fait faire que des réponses vagues. »

Qu’avez-vous répondu à cette déclaration de mon avocat qui vous inculpait d’avance, en disant, sans biaiser, que vous aviez vu l’acte et les lettres avant le procès ? Rien, absolument rien, véridique plaideur ! rien dans aucun endroit ! encore un coup, rien ! Et cette autre preuve ne marche pas mal encore.

4o Lorsque dans mon mémoire au conseil j’ai imprimé ces mots si énergiques : « Alors je prouverai que je l’ai poliment invité de venir examiner à l’amiable mes titres chez mon notaire ; qu’il y a plusieurs fois amené les amis et les commis de M. Duverney ; que tous ont reconnu l’écriture du testateur dans l’acte et dans toutes les lettres, et que tous l’ont voulu dissuader de soutenir un aussi mauvais procès, etc. »

Qu’avez-vous répondu à cette nouvelle déclaration, qui, dans votre plan d’aujourd’hui, vous accusait encore d’avoir examiné en 1770 ces lettres que vous soutenez fabriquées en 1772 pour me tirer des objections de Caillard ? Si chacune de ces preuves est d’un faible poids dans l’affaire, il faut avouer qu’à la romaine où je vous pèse, ces poids légers placés au bout de longs leviers tiennent lieu d’un poids énorme dans les balances ordinaires. Qu’avez-vous donc répondu à une inculpation aussi griève ? Rien, absolument rien, toujours rien.

Dans le système de tenir mes provocations et mes réponses pour non avenues, vous glissez aujourd’hui dans votre nouveau mémoire (page 21 de la consultation les six) en réponse au plus grave de mes reproches, qui est de m’accuser publiquement d’avoir fabriqué en 1772 ces lettres que vous aviez vues en 1770 ; vous glissez, dis-je, un paragraphe qui vous peint encore à merveille, et vous et vos défenseurs.

« Une autre astuce du sieur de Beaumarchais est de prétendre que le comte de la Blache avait vu avant le procès des lettres produites à l’appui de l’écrit ; quand cela serait, il en résulterait uniquement qu’il avait préparé le commentaire et l’explication de son écrit avant même qu’il fût attaqué.

Soit, monsieur le comte ; et j’aime beaucoup : quand cela serait ; mais si je l’avais préparé, au moins vous l’aviez vu ce commentaire, qui, dans son vrai nom, n’est autre chose que ces lettres à l’appui. À peine osez-vous les nommer, ces lettres, en ayant l’air d’y répondre ! Et quoique le mot quand cela serait ne soit pas un aveu parfait, tout ce qui n’est pas dénégation absolue de votre part remplit si parfaitement cet objet, qu’on ne peut s’y méprendre ; et quand vous nieriez tout, dans la plus forte acception de ce mot, on sait, et nous savons, vous et moi, que c’est votre seule façon d’acquiescer. C’est le non des belles, qui veut souvent dire oui : il n’y a que manière de l’entendre.

Mais comme il ne s’agit pas ici de savoir si ce commentaire était fait alors pour expliquer un acte qu’on devait attaquer, ni si les lettres avaient été écrites à leur vraie date, mais seulement de vous prouver que vous avez voulu m’accuser dans votre consultation de Paris, répandue en Provence, de l’horreur d’avoir fabriqué en 1772 ces lettres que vous aviez lues en 1770 ; je réponds à quand cela serait, que si cela était, celui qui aurait fait une telle accusation aurait accompli la plus déshonorante infamie, et qu’il ne l’aurait accomplie que parce qu’il n’aurait pas alors prévu que j’eusse conservé ses lettres et les miennes. Or cet homme affreux, ce calomniateur, encore plus avéré même après votre réponse qu’il ne l’était avant, c’est vous, monsieur Falcoz ! Tu es ille vir.

Voyez, lecteur, le Caillard du barreau d’Aix s’entortiller dans son déni (page 22 de la consultation des six). Le sieur de Beaumarchais ne voulait plus les donner, ces éclaircissement, dit-il.

Non, avocat rusé ! ce n’est pas moi qui les refusais, mais qui me plaignais qu’on les refusât de moi ; et ces éclaircissements qu’on refusait de moi sont les éclaircissements verbaux, et non ceux par écrit : on ne voulait pas me rencontrer chez le notaire en personne, afin de se donner carrière à l’aise en mon absence sur l’acte et sur les lettres qu’on m’invitait d’y déposer.

Voyez encore, lecteur, comment cet écrivain jésuitique s’arrange avec sa conscience, en escobardant à plaisir. « De là il n’est point vrai, dit-il (page 22 à la suite), qu’avant le procès il ait montré au comte de la Blache les lettres à l’appui dont il avait d’abord parlé. » Certainement je ne les lui ai point montrées, car je n’y étais pas. Mais cela n’a pas empêché qu’il ne les y ait vues, lui et ses amis, en mon absence. C’est par de semblables échappatoires que cet avocat entend trahir la vérité, sans être taxé de mensonge ! C’est ainsi qu’il aide à ronger les maillons du filet dans lequel j’enferme son client, et c’est ainsi qu’il voudrait nous prouver, dans toute cette consultation des six, qu’une chose peut n’être pas vraie sans pourtant être fausse, et tout le galimatias que cela entraîne !