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un résumé fort énergique et fort court : ce n’est pas celui du comte Joseph Falcoz ; il est bien fait, et si facile à retenir que tout le monde le sait par cœur : je ne craindrai point de le rapporter

PREMIÈRE PARTIE.

Beaumarchais payé ou pendu. Tel est sur ce procès le résumé concis et lumineux de quelqu’un qu’on sait à Paris avoir la vue fort nette 11. En effet, ce peu de mots renferme tout le fond de la contestation : je l’adopte volontiers ; plus il est dur, et plus il me convient.

Mais ce n’est pas du fond qu’il s’agit aujourd’hui. Nous ne plaidons en ce moment ni pour être payés ni pour être pendus. Il s’agit seulement, au conseil du roi, de juger si la forme d’un arrêt rendu le 6 avril 1773 est contraire ou conforme aux lois du royaume.

Et cependant, monsieur le comte, vous répandez encore un mémoire épais sur le fond de l’affaire, exprès parce qu’il n’en est pas question. C’est ainsi que nous vous avons vu plaider au Palais de longs moyens d’inscription de faux, parce qu’il ne s’agissait alors entre nous que de lettres de rescision.

Mais quel pauvre métier faisons-nous l’un et l’autre ! toujours embrouiller de votre part, toujours éclaircir de la mienne ; il semble que nous avons dit de concert : En attendant qu’on nous jnge, ami, ferraillons toujours, écrivons, imprimons ; et lira qui pourra.

Mais si les magistrats, dont la vertu, dont la tâche austère est de parcourir nos ennuyeux écrits, voient clairement dans les vôtres que des allégations ne sont point des raisons, ils verront fort bien dans les miens qu’une discussion stérile, ingrate et forcée, peut contenir des vérités frappantes ; et alors payera qui devra. Et quand l’arrêt sera cassé (ce que j’ose espérer -. quand nous renouvellerons la cause sous un autre aspect ; quand vous aurez pris contre moi la voie de l’inscription de faux ; quand le sublime résumé, payé ou pendu, reprendra toute sa force, alors je trouverai peut-être plus de témoignages qu’il n’en faut pour vous convaincre de la plus odieuse calomnie.

Alors, du milieu même de la famille dejee respectable ami, peut-être il s’élèvera des vois qui vous crieront : « Nous avons fait ce que nous avons pu « pour vous empêcher d’intenter cet indigne proces à Beaumarchais ; nous vous avons dit : Il y « a eu trop d’affaires d’argent, trop d’intérêts « mêlés entre M. Duverney et lui, pour qu’il n’en « doive pas exister un arrêté quelconque ; et nous « savons que cet arrêté existe. » Alors il sera prouvé que la haine qui vous sur. Ce mot était de XI. le prince de Conti. monte en tout temps vous a fait dire en j d’un notaire et de plusieurs témoins, après avoir pris communication à l’amiable de mon titre : « S’il a jamais cet argent, dix ans seront écoulés « avant ce terme ; et je l’aurai vilipencl » « manière. »

Alors je profiterai des offres que plusieurs honnêtes gens m’ont faites ou fait faire, d’attester, les uns, que quelque temps avant sa mort M. Duverney leur avait dit : « J’ai clos enfin tous mes « comptes avec M. de Beaumarchais, et j’en suis « charmé. »

D’autres, de l’intérieur même des affaires de M. Duverney, que peu de jours avant de mourir, sur leur remarque qu’il avait beaucoup d’or, lui qui n’en gardait jamais dans sa maison, il leur a dit : « Cet or est pour M. de Beaumarchais, avec « qui j’ai réglé depuis peu mes comptes, et qui « doit le venir prendre. »

D’autres ont offert d’attester qu’un tel, homme de loi, leur a plusieurs fois assuré avoir vu le double de l’acte chez M. Duverney, lors de la levée des scellés.

Tel autre assure que le comte légataire a fait avant l’inventaire un triage des papiers Je M. Duverney, sous prétexte de soustraire tous ceux qui étaient inutiles aux affaires d’intérêt, et d’épargner des frais à la succession.

D’autres enfin, que le jour même de la mort de M. Duverney, toute sa famille étant dans le salon, et le comte de la Blache tenant seul la chambre du mourant, cette famille éplorée apprit qu’il y avait depuis quatre heures un notaire enfermé dans la garde-robe, y attendant que le mourant, qu’on ranimait avec des gouttes et du lilium, reprît assez de force pour donner encore une signature avant sa mort, et que quelqu’un ayant demandé : Pourquoi donc un notaire qui se cacle que mon oncle va faire un aulre testament ? un des fidèles valets du mourant répondit de l’intérieur : Eh ! mon Dieu, non : c’est ce M. de la Blache qui le tourmentera jusqu’au dernier moment : il voudrait encore lui faire signer quelque chose ; il a peur de n’en jamais avoir assez. Cependant la mort du testateur empêcha le légataire d’arracher cette signature ; et quelle signature, grands dieux ! Elle était destinée à dépouiller sa respectable mère ; il avait le sang-froid d’y songer, il avait le pouvoir de le tenter ! Eh ! qui ne tremblera pour moi ? Tous mes titres étaient dans cette chambre où il dominait déjà : ils étaient au fond du secrétaire de cet ami mourant, et mourant sans connaissance ! Et ces titres ne s’y sont plus trouvés lors de la levée des scellés, etc., etc., etc.

Et pour que mon silence, au sujet de cet avis, ne soit pas pris pour de l’ingratitude, j’ai l’honneur de prévenir ici toutes les personnes qui me les ont fait donner avec une multitude d’autres,