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la Blache, mon ennemi, par une imposture plus odieuse encore, cherchait à me nuire chez tous nos juges, en leur disant que Mesdames, qui m’avaient autrefois accordé leur protection, ayant reconnu que je m’en étais rendu indigne par mille traits déshonorants, disaient ouvertement qu’elles m’avaient chassé de leur présence ?

Sans prétendre excuser ici, sur l’importance de l’occasion, la faiblesse qui m’est reprochée d’avoir abusé du nom des princesses, sans rappeler combien il était dangereux pour moi que les propos du comte de la Blache n’obtinssent créance sur l’esprit de nos juges, qu’aurais-je fait autre chose en cette occasion que battre mon ennemi de sa propre arme, et payer son horrible mensonge par un mensonge beaucoup moins coupable ? Et vous qui ne rapportez cette note et ce désaveu des princesses que pour détourner, par une récrimination indiscrète et peu respectueuse, l’attention du public un moment de dessus vous, la honte dont vous cherchez à me couvrir vous lavera-t-elle de celle qui vous est si justement reprochée dans une affaire à laquelle cette note et ce désaveu sont absolument étrangers ?

Mais si je n’avais pas supposé de fausses lettres pour appuyer un mensonge ; si je ne m’étais pas rendu coupable d’imposture, en publiant que les princesses honoraient ma personne et mon procès d’une protection particulière ; si j’avais mérité seulement le reproche d’avoir donné trop de publicité à une grâce accordée pour en faire usage auprès de mes juges ; le comte de la Blache, qui n’aurait pu l’ignorer, et qui vous fait parler à présent, ne serait-il pas, ainsi que vous, doublement odieux, d’employer un si honteux moyen pour me déshonorer, sous l’espoir que mon profond respect pour les princesses, dont il vous fait imprimer le désaveu, retiendra ma plume aujourd’hui, comme il m’a fermé la bouche depuis deux ans ?

Mais si rien de tout cela n’existait ; si, loin d’avoir supposé de fausses lettres de protection pour parvenir à gagner mon procès, je n’avais pas même commis l’indiscrétion de me vanter d’aucune protection de Mesdames accordée à cette affaire ; si, loin de compromettre des noms sacrés à l’appui de mon intérét et de mes vues iniques, je n’avais même jamais songé à solliciter les princesses au sujet de ce procès, et si je n’avais jamais publié verbalement, ni par écrit, ni par aucune note imprimée, que Mesdames accordaient leur protection à mon procès, de quelle indignation les honnêtes gens ne seraient-ils pas saisis, de voir le comte de la Blache, et M. et madame Goëzman, me traiter publiquement d’audacieux, de téméraire, d’imposteur, et tenter de verser sur moi la honte qui appartient tout entière au comte de la Blache, dans un événement où je n’ai montré que respect, discrétion, modération et patience ?

Mon profond respect pour des personnes sacrées, la frayeur d’être accusé de les compromettre en me justifiant, m’a fermé la bouche depuis deux ans que le comte de la Blache a rouou.elé, sou ? toute ? les faces, l’accusation calomnieuse à laquelle il donne aujourd’hui sous votre plume le dernier degré d’indécence et de publicité. Mais ces respectables princesses, dont le cœur est toujours ouvert aux malheureux par esprit de religion, et par une bonté d’âme dont ceux qui n’ont jamais eu le bonheur de les approcher ne peuvent se former aucune idée ; ces généreuses princesses, dont le revenu se consume à soulager les pauvres, et dont la vie entière est un cercle de bienfaisance aussi constante que cachée, ne s’offenseront pas qu’un homme qui les a toujours servies avec zèle et désintéressement, qui n’a jamais démérité auprès d’elles, repousse, par le plus modeste exposé de la vérité, l’affreuse et nouvelle injure qui lui est faite en leur nom, à la face de toute la nation. Lorsqu’un paysan fut blessé par un cerf, on vit toute cette auguste famille oublier l’horreur d’un tel spectacle, et ne sentir que l’intérêt qu’il inspirait ; on les il voler à lui, l’entourer, fondre en larmes, et retourner la bourse de tout le monde, en verser l’or dans le tablier de sa femme éplorée, prodiguer les soins paternels à cet heureux infortuné, lui envoyer des secours abondants, consoler sa famille ; enfin, lui assurer un sort. Si le mal passager que lit un cerf à un inconnu trouva ces princesses aussi sensibles, la rage d’un troupeau de tigres acharnés sur un de leurs plus zélés, de leurs plus malheureux serviteurs, n’en obtiendra pas moins de compassion ; elles ne regarderont point comme un manque de respect qu’un homme d’honneur, lâchement accusé d’imposture et de faux, brûle de secouer la honte d’avoir abusé de leur nom sacré pour servir son intérêt et ses mes ini~ , ». i ; il si le hasard fait tomber ce mémoire entre leurs mains, loin de blâmer la fermeté de mes défenses et l’ardeur de ma justification, elles sentiront qu’au péril de ma vie je ne pouvais rester le chef courbé sous un tel deshonneur ; et, malgré les efforts que l’on fera pour empoisonner cette action auprès d’elles, elles distingueront aisément d’une vanité indiscrète la fierté noble et courageuse avec laquelle j’ose publier un témoignage qui honore également leur justice et ma probité. Voici le fait : Pendant que le comte de la Blache me faisait injurier avec autant d'indécence que d’éclat aux audiences des requêtes de l’hôtel, par un avoi al à qui la nature avait donné assez de talent pour qu’il cru pu se passer d’adopter le plus aisi. mais le moins honorable <r^ genres de plaidoiries ; mon adversaire, sentanl bien que le fond du proi es ne présentait aucune ressource à son avidité, employait celle di jeter de la défaveur sur ma pers pour tâcher d’en verser sur ma cause. En conséquence, il allait chez tous les maîtres des requêtes, nos communs juges, leur dire que j’étais