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s’accordent moins qu’ils ne lui cèdent, et que la pluralité des suffrages se forme plus alors de l’ennui de disputer, que d’une véritable conviction de la bonté de l’avis qui prévaut sur tous les autres.

Voilà, madame, ce que j’avais à vous dire sur l’affectation très-cruelle avec laquelle monsieur Goëzman étale en public les prétendus motifs de l’arrêt, qui ne sont avoués par aucun de ses confrères. Selon lui, le parlement, renversant tous les principes exprès pour me nuire, au lieu d’ordonner de faire le procès à la pièce, et de dire ensuite, s’il y avait eu lieu : L’acte qu’on nous présente est reconnu faux, donc l’homme doit perdre son procès, aurait ainsi raisonné : Le comte de la Blache, et M. Goëzman, d’après lui, nous répètent sans cesse que l’homme est suspect ; sans autre examen, il n’y a pas d’inconvénient de décider que l’acte dont il demande l’exécution est faux.

Et c’est, monsieur, sous le manteau de madame que vous vous enveloppez pour nous apprendre de si belles choses, digne défenseur du comte de la Blache, qui se rend à son tour le vôtre ! Je ne suis pas si grand jurisconsulte que vous ; mais je répondrai au plus faux, au plus odieux des arguments, par une pièce qui ne vous était pas destinée, et que je brochai rapidement à Fontainebleau, la veille de l’admission de ma requête, pour joindre une courte instruction sur le fond du procès aux lumières que le rapporteur allait répandre sur le défaut de formes de l’arrêt. Voici ce que j’osai présenter en peu de mots au conseil du roi.

Deux questions emmbrassent entièrement le fond de l’affaire.

PREMIÈRE QUESTION.
L’acte du 1er  avril 1770 est-il un arrêté de compte, une transaction, ou un simple acte préparatoire ?
SECONDE QUESTION.
L’arrêté de compte est-il faux ou véritable ?
réponse.

L’acte du 1er  avril est un arrêté de compte.

Il est intitulé Compte définitif entre messieurs Duverney et de Beaumarchais.

Il est fait double entre les parties.

Il renferme un examen, une remise et une reconnaissance de la remise des pièces justificatives de cet arrêté.

Il porte une discussion exacte de l’actif et du passif de chacun, et finit par constater irrévocablement l’état réciproque des parties, en en fixant la balance par un résultat.

Si l’acte n’eût pas été un arrêté définitif, il ne contiendrait pas une transaction : car la transaction même ne porte que sur un des articles fixés par l’arrêté de compte.

Aux yeux de la loi, c’est la disposition la plus générale d’un acte qui en détermine l’essence. L’arrêté de compte est général, et la transaction seulement partielle. Donc cet acte est un arrêté de compte ; donc c’est sous ce point de vue qu’on a dû le juger ; donc la déclaration de 1733 n’y est nullement applicable ; donc l’arrêt qui l’a déclaré nul, sans qu’il fût besoin de lettres de rescision, doit être réformé.

D’après ce qui vient d’être dit, la seconde question : l’arrêté de compte est-il faux ou véritable ? n’est plus dans l’espèce présente qu’un tissu d’absurdités, dont voici le tableau.

Si l’arrêté n’est pas de M. Duverney, à propos de quoi présentiez-vous au parlement à juger si cet acte est un arrêté, une transaction, un compte définitif, ou seulement un acte préparatoire ? Pourquoi demandiez-vous un entérinement de lettres de rescision ? Il fallait contre un acte faux vous pourvoir par la voie de l’inscription de faux. Je vous ai provoqué de toutes les manières ; vous vous en êtes bien gardé.

Et si l’arrêté est de M. Duverney, nous voilà rentrés dans la première question, laquelle exclut absolument la seconde.

Or, il s’agit ici de l’arrêt du parlement ; la cour n’a pas pu regarder l’acte comme faux, puisqu’on lui présentait à juger la proposition précisément contraire : c’est à savoir si un arrêté de compte définitif entre majeurs doit être exécuté.

Donc le parlement n’a pas pu le rejeter en entier, ni l’annuler sans qu’il fût besoin de lettres de rescision ; donc l’arrêt doit être réformé.

Mon adversaire, tournant sans cesse dans le cercle le plus vicieux, cumulait à la fois les lettres de rescision, la voie de nullité, et le débat des différents articles du compte.

Sur le premier article, il disait : La remise de 160,000 liv. de billets, exprimée dans l’arrêté, n’est qu’une illusion. Il jugeait donc faux l’acte par lequel M. Duverney reconnaissait les avoir reçus de moi.

Sur le quatrième article, il disait : Il y a ici un double emploi de 20,000 liv. Cette somme n’est pas entrée dans l’actif de M. Duverney, porté à 139,000 liv. Il reconnaissait donc véritable l’acte où il relevait une erreur prétendue : car il n’y pas de double emploi où il n’y a pas d’acte.

Sur le cinquième article, il disait, sans aucune autre preuve que son allégation : Le contrat de rente viagère au capital de 60,000 liv. n’a jamais existé. Il regardait donc de nouveau comme faux l’acte qui en portait le remboursement.

Il prétendait ensuite prouver son assertion sur la nullité de cette rente par les termes de l’acte même ; n’était-ce pas avouer de nouveau que l’acte était véritable ?

Sur le sixième article du compte, il disait : Il n’y a jamais eu de société entre M. Duverney et le sieur