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ARTHENÉE. Juste ciel ! crains, Atar…

ATAR. Quoi craindre ? mes remords ?

ARTHENÉE.

Crains de payer de ta couronne
Un attentat sur sa personne.
Ses soldats seraient les plus forts.
Si, sur un prétexte frivole,
Tu les prives de leur idole,
Cette milice en sa fureur
Peut, oubliant ton rang et ta naissance…

ATAR.

J’ai tout prévu : Tarare, dans l’erreur,
Court à sa perte en cherchant la vengeance.
Qu’une grande solennité
Rassemble ce peuple agité ;
De ses cris et de ses murmures
Montre-lui le ciel irrité.
Prépare ensuite les augures ;
Et par d’utiles impostures
Consacrons notre autorité.

(Il sort.)

SCÈNE III

ARTHENÉE, seul. politique consommée ! Je tiens le secret de l’État ; Je fais mon fils chef de l’armée ; À mon temple je rends l’éclat, Aux augures leur renommée. Pontifes, pontifes adroits, Remuez le cœur de vos rois ! Quand les rois craignent, Les brames régnent, La tiare agrandit ses droits. Eh ! qui sait si mon fils, un jour maître du monde…

(Il voit arriver Tarare ; il rentre dans le temple.)

SCÈNE IV

TARARE, seul. Il rêve. De quel nouveau malheur suis-je encor menacé ? Ô Brama ! tire-moi de cette nuit profonde. Ce matin, quand j’ai prononcé : « Qu’à son amour Irza réponde, » Un signe effrayant m’a glacé. De quel nouveau malheur suis-je encor menacé ? Ô Brama ! tire-moi de cette nuit profonde.

SCÈNE V

CALPIGI, TARARE.

CALPIGI, déguisé, couvert d’une cape, l’ouvre. Tarare ! connais-moi.

TARARE. Calpigi ! CALPIGI, vivement. Mon héros I Je te dois mon bonheur, ma fortune et ma vie. Que ne puis-je à mon tour te rendre le repos ! Cette belle et tendre Astasie, Que tu vas chercher au hasard Sur le vaste océan d’Asie, Elle est dans le sérail d’Atar, Sous le faux nom d’Irza…

TARARE. Qui l’a ravie ?

CALPIGI. C’est Altamort.

TARARE. lâche perfidie !

CALPIGI. Le golfe où nos plongeurs vont chercher le corail Baigne les jardins du sérail : Si, dans la nuit, ton courage inflexible Ose de cette route affronter le danger, De soie une échelle invisible, Tendue à l’angle du verger…

TARARE. Ami généreux, secourable…

CALPIGI. Le temple s’ouvre, adieu.

(Il s’enveloppe et s’enfuit.)

SCÈNE VI

TARARE, seul. J’irai ; Oui, j’oserai : Pour la revoir, je franchirai Cette barrière impénétrable. De ton repaire, affreux vautour, J’irai l’arracher morte ou vive ; Et di je succombe au retour, Ne me plains pas, tyran, quoi qu’il m’arrive. Celui qui te sauva le jour A bien mérité qu’on l’en prive !

SCENE VII

Le fond du théâtre, qui représentait le portail du temple de Brama se retire, et laisse voir l’intérieur du temple, qui se forme jusqu’au devant du théâtre.
ARTHENÉE, les prêtres de brama, ÉLAMIR, et les autres enfants des augures.
ARTHENÉE, aux prêtres.

Sur un choix important le ciel est consulté.
Vous, préparez l’autel ; vous, nos saintes armures ;
Vous, choisissez parmi les enfants des augures
Celui pour qui Brama s’est plus manifesté,
En le douant d’un cœur plein de simplicité.

UN PRÊTRE.

C’est le jeune Élamir. Il vient à vous.