Et pourquoi le racheter ?
Je fus léger dans ma conduite, il est vrai, monseigneur ; mais jamais la moindre indiscrétion dans mes paroles…
Eh bien ! c’est assez…
Qu’entend-il ?
C’est assez, c’est assez ; tout le monde exige son pardon, je l’accorde, et j’irai plus loin : je lui donne une compagnie dans ma légion.
Vivat !
Mais c’est à condition qu’il partira sur-le-champ, pour joindre en Catalogne.
Ah ! monseigneur, demain.
Je le veux.
J’obéis.
Saluez votre marraine, et demandez sa protection.
Puisqu’on ne peut vous garder seulement aujourd’hui, partez, jeune homme. Un nouvel état vous appelle ; allez le remplir dignement. Honorez votre bienfaiteur. Souvenez-vous de cette maison, où votre jeunesse a trouvé tant d’indulgence. Soyez soumis, honnête et brave ; nous prendrons part à vos succès.
Vous êtes bien émue, madame !
Je ne m’en défends pas. Qui sait le sort d’un enfant jeté dans une carrière aussi dangereuse ! Il est allié de mes parents ; et, de plus, il est mon filleul.
Je vois que Basile avait raison. (Haut.) Jeune homme, embrassez Suzanne… pour la dernière fois.
Pourquoi cela, monseigneur ? Il viendra passer ses hivers. Baise-moi donc aussi, capitaine ! (Il l’embrasse.) Adieu, mon petit Chérubin. Tu vas mener un train de vie bien différent, mon enfant : dame ! tu ne rôderas plus tout le jour au quartier des femmes ; plus d’échaudés, de goûtés à la crème ; plus de main-chaude ou de colin-maillard. De bons soldats, morbleu ! basanés, mal vêtus ; un grand fusil bien lourd ; tourne à droite, tourne à gauche, en avant, marche à la gloire ; et ne va pas broncher en chemin, à moins qu’un bon coup de feu…
Fi donc, l’horreur !
Quel pronostic ?
Où donc est Marceline ? Il est bien singulier qu’elle ne soit pas des vôtres !
Fanchette Monseigneur, elle a pris le chemin du bourg, par le petit sentier de la ferme.
Et elle en reviendra…
Quand il plaira à Dieu.
S’il lui plaisait qu’il ne lui plût jamais !…
Fanchette Monsieur le docteur lui donnait le bras.
Le docteur est ici ?
Elle s’en est d’abord emparée…
Il ne pouvait venir plus à propos.
Fanchette Elle avait l’air bien échauffée ; elle parlait tout haut en marchant, puis elle s’arrêtait, et faisait comme ça de grands bras… ; et monsieur le docteur lui faisait comme ça de la main, en l’apaisant. Elle paraissait si courroucée ! elle nommait mon cousin Figaro.
Cousin… futur.
Monseigneur, nous avez-vous pardonné d’hier ?
Bonjour, bonjour, petite.
C’est son chien d’amour qui la berce ; elle aurait troublé notre fête.
Elle la troublera, je t’en réponds. (Haut.) Allons, madame, entrons. Basile, vous passerez chez moi.
Tu me rejoindras, mon fils ?
Est-il bien enfilé ?
Charmant garçon !