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Bartholo.

Me mettre à votre place ! Ah ! parbleu, je dirais de belles sottises !

Figaro.

Monsieur, vous ne commencez pas trop mal ; je m’en rapporte à votre confrère qui est là rêvassant…

Le Comte, revenant à lui.

Je… je ne suis pas le confrère de monsieur.

Figaro.

Non ? Vous voyant ici à consulter, j’ai pensé que vous poursuiviez le même objet.

Bartholo, en colère.

Enfin, quel sujet vous amène ? Y a-t-il quelque lettre à remettre encore ce soir à madame ? Parlez, faut-il que je me retire ?

Figaro.

Comme vous rudoyez le pauvre monde ! Eh ! parbleu, monsieur, je viens vous raser, voilà tout : n’est-ce pas aujourd’hui votre jour ?

Bartholo.

Vous reviendrez tantôt.

Figaro.

Ah ! oui, revenir ! Toute la garnison prend médecine demain matin, j’en ai obtenu l’entreprise par mes protections. Jugez donc comme j’ai du temps à perdre ! Monsieur passe-t-il chez lui ?

Bartholo.

Non, monsieur ne passe point chez lui. Eh ! mais… qui empêche qu’on ne me rase ici ?

Rosine, avec dédain.

Vous êtes honnête ! Et pourquoi pas dans mon appartement ?

Bartholo.

Tu te fâches ? Pardon, mon enfant, tu vas achever de prendre ta leçon ; c’est pour ne pas perdre un instant le plaisir de t’entendre.

Figaro, bas au comte.

On ne le tirera pas d’ici. (Haut.) Allons, l’Éveillé ? la Jeunesse ? le bassin, de l’eau, tout ce qu’il faut à monsieur !

Bartholo.

Sans doute, appelez-les ! Fatigués, harassés, moulus de votre façon, n’a-t-il pas fallu les faire coucher ?

Figaro.

Eh bien ! j’irai tout chercher. N’est-ce pas dans votre chambre ? (Bas au comte.) Je vais l’attirer dehors.

Bartholo détache son trousseau de clefs, et dit par réflexion :

Non, non, j’y vais moi-même. (Bas au comte, en s’en allant.) Ayez les yeux sur eux, je vous prie.



Scène VI

FIGARO, LE COMTE, ROSINE.
Figaro.

Ah ! que nous l’avons manqué belle ! il allait me donner le trousseau. La clef de la jalousie n’y est-elle pas ?

Rosine.

C’est la plus neuve de toutes.



Scène VII

BARTHOLO, FIGARO, LE COMTE, ROSINE.
Bartholo, revenant.

(À part.) Bon ! je ne sais ce que je fais, de laisser ici ce maudit barbier. (À Figaro.) Tenez. (Il lui donne le trousseau.) Dans mon cabinet, sous mon bureau ; mais ne touchez à rien.

Figaro.

La peste ! il y ferait bon, méfiant comme vous êtes ! (À part, en s’en allant.) Voyez comme le ciel protège l’innocence !



Scène VIII

BARTHOLO, LE COMTE, ROSINE.
Bartholo, bas au comte.

C’est le drôle qui a porté la lettre au comte.

Le Comte, bas.

Il m’a l’air d’un fripon.

Bartholo.

Il ne m’attrapera plus.

Le Comte.

Je crois qu’à cet égard le plus fort est fait.

Bartholo.

Tout considéré, j’ai pensé qu’il était plus prudent de l’envoyer dans ma chambre que de le laisser avec elle.

Le Comte.

ils n’auraient pas dit un mot que je n’eusse été en tiers.

Rosine.

Il est bien poli, messieurs, de parler bas sans cesse. Et ma leçon ?

(Ici l’on entend un bruit, comme de la vaisselle renversée.)
Bartholo, criant.

Qu’est-ce que j’entends donc ? Le cruel barbier aura tout laissé tomber dans l’escalier, et les plus belles pièces de mon nécessaire !…

(Il court dehors.)



Scène IX

LE COMTE, ROSINE.
Le Comte.

Profitons du moment que l’intelligence de Figaro nous ménage. Accordez-moi, ce soir, je vous en conjure, madame, un moment d’entretien indispensable pour vous soustraire à l’esclavage où vous alliez tomber.

Rosine.

Ah ! Lindor !