Ingrat, à l’instant où vous allez tout lui devoir, pendant que son attachement lui fait payer toute la somme à Saint-Alban.
Que dites-vous ? Il nous sauve l’honneur ?
Il va plus loin… son cœur, qui vous chérit…
Achevez, Pauline, achevez ; ne craignez pas de mettre le comble à ma joie. Il me donne sa nièce ?
Ah ! Mélac, ne parlez plus de sa malheureuse nièce.
Comment ?
Sa fille…
Sa fille !
Sa fille, fruit d’une union ignorée, qui vous connaît, qui vous aime, offre à votre père cent mille écus qu’elle tient des dons et des épargnes du sien…
Au prix de m’épouser !… Nous n’étions pas assez avilis ; il nous manquait cet opprobre.
J’ai bien prévu que votre âme orgueilleuse rejetterait un pareil bienfait.
Il me fait horreur ! le service, et celui qui l’offre, et celle qui le rend, je les déteste tous… C’était donc pour cela qu’il éloignait toute idée de notre union ? Il me gardait cette honte ; il me méprisait, même avant que le malheur m’eût réduit à souffrir tous les outrages. Mais je le jure à vos pieds, Pauline : fût-elle cent fois plus généreuse, la fille sans nom, sans état, et désavouée de ses parents, ne m’appartiendra jamais.
Vous la connaissez mal ; elle n’a eu en vue que votre père.
Mon père ! Faut-il donc nous sauver d’une infamie par une autre ?… Vous pleurez, ma chère Pauline ! craignez-vous que la nécessité ne me fasse enfin contracter un indigne engagement ?
Non, je ne suis plus même assez heureuse pour le craindre ; vous avez prononcé votre arrêt et le mien. Cette infortunée que vous insultez avec tant d’inhumanité…
Cette infortunée…
Elle est devant vos yeux.
Vous ?
J’avais le cœur percé de cette nouvelle, et vous avez achevé de le déchirer.
Ô douleur !… Pauline, ne me tendiez-vous ce piége que pour me rendre aussi coupable ?
Laissez-moi.
Pourquoi ne pas m’apprendre…
L’avez-vous permis ? Votre emportement a fait sortir de votre bouche l’affreuse vérité : monsieur, il n’est plus temps de désavouer vos sentiments.
Osez-vous bien vous prévaloir d’une erreur qui fut votre ouvrage ? osez-vous m’opposer le désordre d’un désespoir que vous avez causé vous-même ? Je voyais les puissants ressorts qu’on faisait agir contre nous ; je disais : Je la perds. Je m’armais, à vos yeux, de toute la force dont je prévoyais avoir besoin. Suis-je donc un dénaturé, un monstre ? Et quel est l’homme assez barbare pour imputer à d’innocentes créatures un mal qu’elles ne purent empêcher ?
Non, non.
La faute de leurs parents leur ôte-t-elle une qualité, une seule vertu ? Au contraire, Pauline, et vous en êtes la preuve ; il semble que la nature se plaise à les dédommager de nos cruels préjugés par un mérite plus essentiel.
Ce préjugé n’en est pas moins respectable.
Il est injuste, et je mettrai ma gloire à le fouler aux pieds.
Il subsistera dans les autres.
Mon bonheur dépend de vous seule.
On se lasse bientôt d’un choix qui n’est approuvé de personne.
Le mien mérite une honorable exception.
Il ne l’obtiendra pas.
Il m’en sera plus cher. N’aggravez pas un malheur idéal. Ah ! soyez plus juste envers vous : tout ce qui ne dépend pas du caprice des hommes, vous l’avez avec profusion ; et si mon amour pouvait augmenter, cette injure du sort l’accroîtrait encore.
Mélac, une femme doit avoir droit au respect de son mari. Je rougirais devant le mien… N’en par-