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LETTRES DE VOYAGE

infinité d’artisans : comme apoticaires, pescheurs et autres. En ce dernier, il y a une rue séparée quasi comme si c’était un autre bourg, et là font résidence les chrétiens de Thunes, desquels le Seigneur se sert pour ses gardes, étans encore, qu’ils vaquent à autres offices : esquels les Mores ne se daigneroyent employer. Il s’est fait encore un autre bourg qui est hors de la porte appelée Bab-el-Bahar, qui signifie la porte de la marine ; laquelle est prochaine du lac de la Golette environ demy mile, et là vont loger les marchands chrétiens étrangers, comme les Genevoys, Veniciens et ceux de Cataloigne ; lesquels ont tous leurs boutiques, magazins et hoteleries séparées d’avec celles des Mores ; mais les maisons sont petites de sorte que, comprenant la cité et les faubourgs, le tout peut contenir dix mille feus. La cité est fort belle et bien gouvernée : et avec ce qu’elle est fort peuplée, et habitée de gens qui sont à peu près tous artisans, et principalement tissiers de toiles, lesquelles se vendent par toute l’Afrique ; pour ce qu’il s’en fait une infinité, et bonnes en perfection. Outre ce qu’il y a un grand nombre de boutiques de marchands, estimés les plus riches de Thunes, avec un grand nombre d’autres artisans, comme ceux que vendent les parfumeurs, veloutiers, couturiers, selliers, peletiers, fruitiers, ceux qui vendent le lait, les autres qui font fritures en huile, et bouchers. Il y a encore plusieurs autres métiers, si je voulay décrire particulièrement, ce seroit une chose non moins utile que superflue. Le peuple est fort courtoys et amyable et les prêtres, docteurs, marchands, artisans, ensemble tous ceux qui sont commis à quelque espèce, se tiennent magnifiquement en ordre portans des turbans en tête…