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poléon ; car il est démontré qu’on aurait pu tirer un parti immense de cette masse imposante.

Le champ de bataille était jonché de cadavres dans une étendue de plus de deux lieues. La situation respective des deux armées ne permit pas d’enlever les blessés. On fit très-peu de prisonniers russes. Les blessés français qui purent gagner les ambulances de leurs corps, furent transportés à Mojaïsk, où l’on établit provisoirement les hôpitaux. Mais combien y en eut-il qui, trop grièvement blessés pour rejoindre, expirèrent misérablement sur le champ de bataille !

J’eus occasion de traverser, quatre jours après, ce théâtre sanglant des fureurs de la guerre, et je frissonnai d’horreur à la vue du spectacle qui s’offrit à mes yeux. J’aperçus des blessés russes et français, la plupart horriblement mutilés, qui, poussés par la faim, étaient parvenus à se traîner avec des efforts inouïs, auprès des cadavres des chevaux, et en dévoraient en commun les chairs déjà