le dos son manteau de cavalerie, dont les boutons seuls avaient été remplacés. Ses voisins lui jetèrent un coup d’œil indifférent, et l’accepteront sans mot dire. Avec eux, il franchit les cent mètres qui le séparaient du navire, monta sur le plan incliné, et toucha le pont que soulevait déjà la houle du fleuve.
Alors, tandis que les autres, ceux qui avaient dans cette foule des parents ou des amis, se promenaient par groupes le long de la cage des machines ou descendaient par les échelles, il s’accouda au bordage, à l’arrière du bateau, et essaya de voir encore le fleuve et les prairies grises, parce que trop de souvenirs lui venaient ensemble, et que le courage allait lui manquer. Mais la brume avait sans doute épaissi, car il ne vit plus rien.
Près de lui, accroupie sur le plancher, il y avait une vieille femme, encore fraîche de visage, enveloppée dans une mante noire à collet, et dont la coiffe était fixée par deux épingles à boules d’or. Elle tenait dans ses bras un enfant qu’elle berçait. André ne la regardait pas. Mais elle, qui ne pouvait reposer ses yeux nulle part, dans le tumulte et la confusion du navire en partance, les levait quelquefois vers cet étranger debout près d’elle, et qui pensait sûrement à la maison de chez lui. Peut-être avait-elle un fils du même âge. Un sentiment de pitié grandit en elle, et bien qu’elle sût, à n’en pas douter, que son voisin n’entendrait pas la langue dont elle usait, la vieille femme dit :
— U heeft pyn ?
Quand elle eut répété plusieurs fois, il comprit au mot « peine » et au ton qu’elle y mettait, que la femme lui demandait : « Vous souffrez ? »
Il répondit :
— Oui, madame.
La vieille mère, de sa main blanche, toute froide, tout humide de brouillard, caressa la main de Driot, et le petit Vendéen pleura, en songeant à des caresses anciennes toutes pareilles, à la mère Lumineau, qui portait aussi une coiffe blanche et des dorures les jours de fête…
Sur le Marais de Vendée les brumes couraient toujours, les mêmes qui avaient passé sur les plaines de