Page:Bazin - La Barrière, Calmann-Lévy.djvu/31

Cette page n’a pas encore été corrigée

et se préparait à nous attaquer. L’attaque eut lieu, en effet : nous fûmes enveloppés par des ennemis plus féroces que les bêtes que je venais d’abattre. Pendant deux semaines, nous avons tenu dans ce blockhaus, abrités derrière des troncs d’arbres ou des pierres disjointes. Nous avions contre nous la saison chaude, la soif, la faim, l’attaque répétée d’ennemis nombreux, agiles, et je voyais venir la dernière heure, quand un matin, une troupe d’alliés inespérés se jeta sur les barbares et pénétra jusqu’à nous, ayant à sa tête l’abbé, que j’avais reconnu à sa taille et à ses gestes. Il amenait avec lui des vivres. Je lui dois d’être ici. Mais quand j’ai voulu le remercier, je me suis heurté au refus le plus singulier que j’aie éprouvé dans ma vie.

— Que lui proposiez-vous ?

— Ce qu’il aurait voulu. J’ai parlé d’indemnités.

— Eh bien ?

— Il a ri. J’ai parlé de faire un rapport à mes chefs, d’obtenir une lettre officielle du gouvernement anglais. Il est devenu grave, et il a dit : « Non, monsieur, aucun honneur pour moi. »