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l’homme a l’animal, à la plante et à la terre, de l’unité de la vie cosmique dans la prodigieuse multiplicité des formes…

La première œuvre où pleinement et librement cette conception s’épanouit est cette Légende de Vie, dont nous ne possédons que la première partie, l’Île Vierge. C’est une trilogie où manquent encore le Libérateur et l’Aube des Dieux. D’où la difficulté de la juger d’ensemble. Telle quelle est, c’est une fresque où se déroule un recommencement édenique d’humanité. L’homme s’acheminant, à travers le stade nécessaire de la douleur et du sacrifice, vers la découverte des dieux qui dorment en lui, tel en est le thème. Sylvan, le héros, l’enfant-humanité, y porte les destinées d’un monde parmi des paysages de la jeunesse de la terre. Issu de l’âge de nature, il traversera l’âge trouble des hommes pour aborder à l’âge des élus et conquérir l’Éden, « espoir consubstantiel à l’homme. » Il est aisé de voir que Lemonnier a condensé en cette épopée légendaire tout son rêve d’une humanité libérée. Cette œuvre d’un optimiste et d’un croyant a vraiment les accents d’un évangile, et elle se prouve en vérité le bon évangile de la nature et de l’homme. Et l’on s’émerveille qu’en dépit de la légende et de la thèse, elle conserve comme la Tétralogie wagnérienne, à laquelle elle s’apparente, le caractère des choses vivantes. En ce vaste roman-poème, l’écrivain a inscrit de telles vérités sacrées en une forme tellement belle qu’à ceux qui ne voudront pas l’envisager sous son intérieur aspect de prophétie, elle apparaîtra la plus pure des œuvres d’art. Ce qui plus particulièrement m’attache a ce livre, c’est que Lemonnier s’y est donné lui-même en exemple vivant de la vérité de sa foi. Lui qui na rien absolument d’un métaphysicien est arrivé en cette parabole de l’Éden, par son seul instinct d’homme et d’artiste, à l’expression de vérités que des philosophes de profession sont occupés à promouvoir. Qu’il soit