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Jamais poète ou penseur n’a dardé vers le futur un appel aussi passionné que celui qui est inclus dans l’ardente méditation de ces deux pièces : l’Action et l’Attente. Lorsqu’il invoque le « tranquille rebelle » qui découvrira la « très simple loi profonde » que notre monde en fièvre attend. Verhaeren apparaît vraiment comme l’un des prophètes d’aujourd’hui agenouillé au pied du Thabor, attendant la révélation. Dans l’Action, explose une ivresse à travers laquelle on croit apercevoir, par d’immenses percées, les géants labeurs du présent, l’Europe en fièvre, le titanesque effort des Amériques et le prodige fumant des Cap-au-Caire et des Transsibérien, et les innombrables steamers chargeant et déchargeant leurs ballots et leurs passagers, et les tributs d’émigrants en marche, et les trocs et les expéditions et les luttes et les découvertes… La vie totale d’aujourd’hui passe dans ces vers, la vie qui court « les grands, chemins du monde » et qui prépare « l’élan des géantes métamorphoses. » Interprète d’un âge, plus beau que tous les âges, ce poème seul suffirait à sacrer tel celui qui l’osa.

Mais la suprême sensation des Visages de la Vie est peut-être contenue dans la pièce finale : Vers la Mer, Verhaeren a trouvé, pour traduire la mer joyeuse et ses enchantements et son infini, des accents d’une beauté telle que les yeux croient subir l’éblouissement d’un jour de soleil sur les flots, d’un de ces jours où « il fait dimanche sur la mer ». N’y a-t-il pas dans ces trois vers toute la sugges-