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PROJET.

maises, & qui ne se consoleroit de ses erreurs par cette raison ?

Penetrant comme vous êtes, vous n’avez pas besoin d’être averti que j’ai proposé l’exemple de ces deux grands hommes, non pas tant afin de raisonner du plus au moins, qu’afin de donner quelque sorte de consolation aux Auteurs du second rang, & à ceux qui comme moi sont du plus petit. La consolation pourra être plus efficace, que le raisonnement ne seroit juste, car il est certain que les Auteurs du premier rang, sont quelquefois ceux à qui il échape le plus de fautes, soit à cause qu’ils sont trop hardis dans leurs décisions, & qu’ils aiment trop les routes nouvelles, soit à cause qu’ils se laissent saisir tôt ou tard à la vanité de se distinguer par la multitude de leurs Ouvrages, soit pour plusieurs autres raisons qu’il me seroit facile d’étaler, si je voulois qu’on y reconnût quelcun : mais il n’est pas moins certain, que cela n’empêche pas que ces exemples ne soient consolans. On se laisse plus toucher en fait de consolation à des pensées populaires & specieuses, qu’aux raisonnemens les plus conformes aux regles de la Logique. Disons donc que les Scaligers & les Saumaizes doivent faire à l’égard des autres Auteurs, ce que fit Carthage à l’égard des autres peuples. Post[1] Carthaginem vinci neminem puduit, personne n’eut honte d’être vaincu après que Carthage eut été vaincuë.

Je pourrois joindre Baronius à ces deux celebres Auteurs. C’est assûrément un grand homme : ceux qui l’ont examiné pour écrire contre lui, sont peut-être ceux qui l’admirent le plus. Cependant combien de fautes y a-t-il dans ses Annales ? On ne les compte point

par
  1. Florus, l. 2, c. 7.