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AMPHITRYON.

rigez une faute qui s’est glissée dans son livre : lisez ἐν Ἀιγείῳ, et non pas ἐν Ἀργείῳ. Sans cela, l’on pourrait dire que le père Hardouin s’avance trop dans ces paroles : Neque enim Argis, sed Ægii prope Sicyonem res gesta narratur [1]. Ne voyons-nous pas dans la version d’Athénée, apud Argivos puerum amavit anser, et dans le grec, ἐν Ἀιγείῳ δε παιδὸς ἠράσθεν χήν[2] ?

  1. Hard. in Plin., lib. X, pag. 474.
  2. Athen., lib. XIII, cap. VIII, p. 606.

AMPHITRYON, fils d’Alcée (A), fils de Persée, est moins connu par ses exploits que par l’aventure d’Alcmène sa femme, qui a servi de sujet aux poëtes comiques (B). Alcmène était fille d’Électryon, roi de Mycènes. Les fils de Ptérélaüs avaient fait une irruption sur les terres de ce prince, qui leur avait été fatale : ils y étaient tous péris[a], mais ils y avaient aussi fait périr tous les fils d’Électryon[b]. Celui-ci, se préparant à venger la mort de ses fils, laissa son royaume et sa fille Alcmène entre les mains d’Amphitryon, et lui fit promettre avec serment de ne point jouir de cette fille. Ceux qui avaient accompagné les enfans de Ptérélaüs avaient amené au pays d’Élide les troupeaux d’Électryon. Ces troupeaux furent rachetés par Amphitryon ; mais, en les remettant entre les mains de leur maître, il eut le malheur d’être la cause innocente de la mort de ce pauvre prince (C). Comme on profita de cette occasion pour le faire sortir du pays des Argiens [c], il se retira avec Alcmène auprès de Créon, roi de Thèbes, et reçut de lui les cérémonies de l’expiation. Après quoi il se prépara à faire la guerre aux Téléboes (D), afin de venger la mort des frères d’Alcmène ; condition qu’elle exigeait de celui qui voudrait être son mari (E). Il fallut que, pour engager Créon à le suivre, il le délivrât d’un renard qui faisait de gros ravages. Il l’en délivra par le moyen de Céphale, qui lui prêta le chien que Procris avait amené de l’île de Crète. Amphitryon, assisté de divers peuples, entra sur les terres de Ptérélaüs, et les ravagea ; mais il fut redevable du grand succès de cette guerre à la perfidie de Comèthe, fille de Ptérélaüs. Cette fille devint amoureuse d’Amphitryon, et arracha, pour l’amour de lui, le cheveu d’or que Ptérélaüs avait sur la tête, et d’où dépendait sa vie. Ce malheureux père mourut aussitôt ; et alors Amphitryon s’empara universellement de tous ses états. Il fit mourir Comèthe, et s’en retourna à Thèbes chargé de dépouilles. La première nouvelle dont on l’y régala fut qu’il avait passé la nuit précédente auprès d’Alcmène. Il était fort convaincu que cela était très-faux. Enfin on sut que Jupiter avait joué ce tour-là en prenant la figure d’Amphitryon. Celui-ci, sans se rebuter, s’approcha d’Alcmène, et la rendit un exemple de superfétation qui a été mille fois cité. Elle avait déjà conçu Hercule, et il lui fit concevoir un autre fils. Pour discerner celui qui était à lui d’avec celui qui était à Jupiter, il jeta deux ser-

  1. Exceptez-en un qui était demeuré à la garde des vaisseaux. Apollodor., lib. II, pag. 97.
  2. Exceptez-en le bâtard Licymnius. Apollodorus, ibid., pag. 99.
  3. Il n’est donc pas vrai, comme on le dit dans le Supplément de Moréri, qu’Amphitryon succéda à Électryon.