Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
ABARIS

fuerit igitur (Phalaris) temporibus Tulli Hostilii et Anci Martii[1], et le précédent, ont trompé M. Moréri. Disons en passant qu’il s’est laissé abuser par ces paroles de Cœlius Rhodiginus : hujus (Abaridis) et Gregorius theologus commeminit in epitaphio ad magnum Basilium[2]. Il a cru que saint Grégoire parle d’Abaris dans une épitaphe qu’il adresse à saint Basile-le-Grand [3]. Je n’ai rien trouvé touchant Abaris dans les vers de saint Grégoire de Nazianze sur la mort de saint Basile. J’espérais d’y rencontrer les cinq ou six lignes que le Giraldi rapporte comme tirées ex Monodiâ in divum Basilium[4]. Le mot de monodia est une adresse vers une pièce de poésie ; mais ici c’est une adresse trompeuse. Je me suis tourné vers la prose de ce grand théologien, c’est-à-dire, vers son oraison funèbre de saint Basile, et je n’y ai pas trouvé le quart de la citation du Giraldi. Il y a une erreur particulière, en ce que M. Moréri s’est exprimé comme si cette épitaphe n’eût point été faite pour saint Basile.

(E) Un oracle ambulatoire. ] Clément d’Alexandrie met Abaris entre ceux qui se mêlaient de prédire l’avenir. Προγνώσει δὲ καὶ Πυθαγόρας ὁ μέγας προσανεῖχεν αὶεὶ, Ἀϐαρις τε ὁ ̓Υπερϐόρεος [5]. Præscientiæ autem Pythagoras quoque magnus semper mentem adhibuit, et Abaris Hyberboreus. Nous avons déjà rapporté[6] l’épithète d’hariolus, dont on le régale dans la Chronique d’Eusèbe. Un commentateur de saint Grégoire de Nazianze a rapporté qu’Abaris parcourut toute la Grèce, et y rendit des oracles[7]. Apollonius assure le même fait ; et il dit de plus que ces oracles subsistaient encore. Ἐγραϕε δὲ καὶ χρησμοὺς ταῖς χώραις περιερχόμενος, οἵ εἰσι μέχρι τοῦ νῦν ὑπάρχόντες[8]. Scripsit autem et oracula regionibus quas observans lustrabat, quæ ad hoc usque tempus extant. Le Scoliaste d’Aristophane [9] dit aussi qu’on les avait de son temps. Abaris n’était pas le seul de son métier qui errât ainsi par le monde, et qui semât de toutes parts ses prédictions à tour de bras : c’était le propre des devins ; et c’est pourquoi Artémidore prétend que, lorsqu’on songe qu’on devient prophète, c’est le plus souvent une marque qu’on voyagera, et qu’on se tracassera ; car, ajoute-t-il, les devins ont accoutumé de mener une vie vagabonde. Φέρει δὲ καὶ ἀποδημίας πολλάκις καὶ κινήσεις τῷ ἰδόντι τὸν ὄνειρον. διὰ τὸ τοὺς μάντεις περινοςεῖν : Portendit sæpè etiam peregrinationes et motus hoc somnium ei qui vidit, proptereâ quòd vates vitam errabundam agunt[10]. Ils avaient cela de commun avec les joueurs de gobelets, et avec toutes sortes de charlatans. Abaris faisait plus que des prédictions : on prétend qu’il bâtissait des temples ; celui de Proserpine du Salut. Κόρης Σωτείρας, dans Lacédémone, fut son ouvrage[11]. Platon en fait un vrai charlatan, ou plutôt un enchanteur qui se mêlait de guérir les maladies avec des paroles[12].

(F) Qui fabrique le Palladium. ] On doit cette découverte au grand Scaliger. Il a corrigé en deux endroits avarus par Abaris[13], dans un passage de Julius Firmicus Maternus[14]. Voici ce passage ainsi corrigé : Palladii etiam quid sit numen audite. Simulacrum est ex ossibus Pelopis factum. Hoc Abaris Scytha fecisse perhibetur ; jam quale sit considerate quod Scytha barbarus consecravit. Est ne aliquid apud Scythas humanâ ratione compositum, et illa effera gens et crudeli atque inhumanâ semper atrocitate grassata, un constituendis religionibus rectum aliquid potuit invenire ? Simulacrum hoc Trojanis Abaris vendidit, stultis hominibus vana promittens. Scaliger a corrigé deux fautes presque semblables dans un passage du Scoliaste d’Aristophane [15]. Au lieu de βάριν, il fait lire

  1. Vossius, ubi suprà.
  2. Cœlii Rhodig. Antiq. Lect. Lib. XVI, cap. XXII, pag. 881.
  3. Cette faute n’est point dans les éditions de Hollande.
  4. Giraldus de Poëtis, Dialogo III, circa init. p. 119.
  5. Stromat. Lib. I, pag. 334.
  6. Ci-dessus, citation (26).
  7. Nicetas in Orat. XX. Gregor. Nazianz. pag. 774.
  8. Apollon. Admir. Hist. Sect. IV.
  9. In Equit.
  10. Artemidor, Lib. III, cap. XXI.
  11. Pausanias. Lib. III, pag. 94. Il dit aussi que d’autres en attribuaient la construction à Orphée.
  12. Plato in Charm. pag. 465.
  13. Scaligeri Notæ in Euseb. n. 1454.
  14. De Errore Profan. Relig.
  15. In Equit.