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AMMONIUS.

une ligne, il est tombé dans un grand mensonge ; car il n’est pas vrai qu’Harpocration nous apprenne que l’Ammonius qu’il cite fût de Lampria. Si l’on voulait sauter quelque chose, c’est à la dernière ligne que l’on devait s’adresser, dans laquelle Vossius a dit un mensonge. Gesner ne dit pas qu’Ammonius, l’auteur du livre des sacrifices, fût Alexandrin. Il y a un troisième passage d’Harpocration[1] où notre Ammonius est cité : Ἀμμώνιος ἐν τετάρτῃ περὶ βωμῶν γράϕει ταῦτα ; Ammonius libro quarto de aris ista scribit. C’est ainsi que le docte Maussac a corrigé le texte d’Harpocration : il met βωμῶν au lieu de κώμων, personne qu’on sache n’ayant jamais dit que cet auteur ait fait un livre de oppidis vel pagis. M. de Valois approuve cette correction[2]. On aurait pu soupçonner que puisque Ammonius fit un livre touchant les courtisanes d’Athènes, il en fit un aussi sur les festins de débauche, περὶ κώμων ; et ainsi il ne serait pas nécessaire de prétendre que, selon la leçon ordinaire d’Harpocration, le livre d’Ammonius concernait les bourgs ou les peuples d’Attique : cependant je ne trouve rien de plus vraisemblable que la correction de Maussac. Elle a paru telle à Vossius, qui la débite comme si elle venait de lui. M. de Valois cite un passage du scoliaste d’Hermogène, où l’auteur du livre des Autels est appelé Ammonius Lamprien[3].

(C) On avance très-faussement dans le Moréri, que Plutarque a parlé d’Ammonius avec éloge, à la fin de la Vie d’Aristote. ] Cette Vie d’Aristote est une chimère. Il fallait dire Thémistocle, et non pas Aristote. Or, il est bien vrai que Plutarque, à la fin de la Vie de Thémistocle, fait mention d’Ammonius ; mais il est très-faux qu’il le loue : il n’en dit là ni bien ni mal.

(D) Moréri n’est pas plus heureux par rapport à Ammonius, fils d’Herméas. ] Il s’y embarrasse dans trois ou quatre grosses fautes pour le moins. 1°. Il ignore que Proclus a fleuri sous Théodose le jeune, et long-temps après ; car, s’il l’avait su, aurait-il dit qu’Ammonius, disciple de Proclus, fit un livre sous l’empire de Valentinien ? Aurait-il été un copiste si fidèle des erreurs du père Rapin[4] ? 2°. Quelle manière de marquer les empereurs ? Il y en a eu trois de ce nom ; et c’est le premier que l’on entend, lorsqu’on dit tout court Valentinien. Ce premier Valentinien mourut l’an 375 : jugez si le disciple de Proclus a pu écrire cet empereur. 3°. Si M. Moréri avait entendu l’auteur dont il se servait, je veux dire le père Labbe, il aurait appris qu’Ammonius, disciple de Proclus et fils d’Herméas, a fleuri sous l’empereur Anastase, qui ne commença de régner que plus de 35 ans après la mort de Valentinien troisième. 4° Le père Labbe a observé qu’il est souvent fait mention d’un Ammonius dans les Chaînes des pères grecs sur l’Évangile de saint Jean, et sur d’autres livres de l’Écriture ; et il croit qu’Ammonius, fils d’Herméas est différent de celui-là. Au lieu de ces choses, M. Moréri nous conte que quelques auteurs attribuent à Ammonius, fils d’Herméas, l’Explication des pères grecs sur l’Évangile de saint-Jean.

  1. Au mot θόλος.
  2. Henr. Valesius, Notis in Notas Maussaci ad Harpocration, pag. 111.
  3. H. Valesius, Notis in Notas Maussaci ad Harpocrat., pag. 111.
  4. Proclus sous Julien ; le second Ammonius, son disciple, qui a si bien écrit sur le livre de l’interprétation d’Aristote, sous Valentinien. Rapin. Compar. de Platon et d’Aristote, p. 391.

AMMONIUS, surnomme Saccas (A), a été l’un des plus célèbres philosophes de son temps. Il florissait vers le commencement du troisième siècle. Il était d’Alexandrie ; et ayant sucé avec le lait la foi chrétienne, il y persévéra jusqu’à la fin, comme ses ouvrages le témoignaient. Eusèbe, rapportant cela, accuse Porphyre d’une fausseté évidente [a], pour avoir dit qu’Ammonius abandonna le christianisme au quel on l’avait élevé, et passa dans la religion publique dès que l’âge lui permit de philosopher

  1. Euseb., Hist. Eccles., lib. VI. cap. XIX.