Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/500

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
454
ALYPIUS.

bon logicien. Je ne parle point des emplois qu’il eut avant que de devenir bibliothécaire du pape ; et je n’ai pas même examiné si M. Moréri, qui en a fait mention assez amplement, a eu toute l’exactitude qu’il fallait. Si j’ai quelque chose à dire là-dessus, ce ne sera que dans les remarques (A). M’abstenant donc de dire ici ce qu’on peut trouver dans son Dictionnaire, je ne toucherai que certaines choses qui n’y sont point. Allatius a été d’un grand secours à MM. de Port-Royal dans la dispute qu’ils ont eue avec M. Claude, sur la créance des Grecs à l’égard de l’Eucharistie. M. Claude le nomme souvent le grand auteur de M. Arnaud, et nous en fait une peinture très-peu honorable (B). M. Simon ne lui donne guère de bonne foi (C). Jamais Latin de naissance n’a été plus emporté contre les Grecs schismatiques, qu’Allatius, ni plus dévoué au siége de Rome. Il ne s’engagea ni au mariage ni aux ordres ecclésiastiques ; il en donna une raison qui mérite d’être sue (D). Il serait difficile de trouver dans l’histoire des auteurs une singularité plus notable que celle qui concerne une plume dont il se servait (E). Il a donné au public quantité de livres, soit en faisant imprimer des manuscrits, soit en traduisant des auteurs grecs, soit en composant de son propre fonds. La liste qu’on voit dans le Dictionnaire de Moréri ne distingue point ces trois espèces d’ouvrage, et ne comprend pas tout ce qu’Allatius a publié. On peut remarquer dans ses productions beaucoup plus de lecture et d’érudition que d’esprit et de jugement. Il découvrait assez bien les fautes de ceux contre qui il écrivait ; mais il mêlait à sa découverte trop d’aigreur et trop d’insulte. C’est ce qu’on peut voir principalement dans les Dissertations qu’il a publiées contre M. Creygthon, au sujet du concile de Florence[a]. On peut connaître son génie et celui de sa mémoire, par les sauts qu’il faisait d’une matière à une autre dans un même volume. M. de Sallo n’a été rien moins que son admirateur en cela (F). Allatius mourut à Rome, au mois de janvier 1669, âgé de quatre-vingt-trois ans[b]. Il avait fait souvent des poëmes grecs. Il en fit un sur la naissance de Louis XIV, où il faisait parler la Grèce. Il le fit réimprimer à la tête de son livre de Perpetuâ Consensione, etc., qui est dédié à ce monarque. J’oubliais de dire que MM. de Port-Royal n’ont pas manqué de répondre quelque chose à M. Claude, en faveur d’Allatius (G).

  1. Voyez le Journal des Savans, du 15 de novembre 1666.
  2. Henn. Witte, Diarium Biograph. ad ann. 1669. Moréri met sa mort en 1670.

(A) Si j’ai quelque chose à dire de ses premiers emplois, ce ne sera que dans les remarques. ] Je trouve dans Lorenzo Crasso[1], que Leone Allacci (c’est ainsi qu’il le nomme) n’avait que neuf ans lorsqu’il fut porté de l’île de Chio dans la Calabre, où il trouva la protection d’une puissante famille[2]. Au bout d’un certain temps il fut envoyé à Rome, où il étudia les humanités, la philosophie, et la théologie, dans le collége des Grecs.

  1. Lorenzo Crasso, Istoria de’ Poeti Greci, pag. 306. Voyez aussi ses Elogii d’Huomini Letterati, tom. I, pag. 395 et suiv.
  2. Celle des Spinelli.