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ALES.

de Leipsick, ou si seulement on lui faisait espérer celle de théologie, qu’il exerça ensuite jusqu’à sa mort, arrivée le 17 mars 1565 (F). Il avait été préservé de la mort par miracle dans sa jeunesse (G). L’estime et l’autorité où il était se peuvent connaître par le grand nombre de conférences où il assista (H). Il s’était marié avec une Anglaise, dont il eut deux filles et un fils. Il ne lui restait qu’une fille quand il mourut. Ceci a été extrait d’une harangue de Jacques Thomasius, professeur à Leipsick, imprimée avec plusieurs autres à Leipsick, l’an 1683, in-8o. Tout ce qu’il dit est accompagné de citations. Je n’ai pas cru devoir les copier : ceux qui voudront aller aux sources trouveront très-facilement la harangue qui les indique.

(A) Il eut part à la dispute de Patricius Hamilton avec les ecclésiastiques. ] Bèze a fait en peu de mots l’éloge de ce martyr protestant, qui était d’une famille alliée aux rois d’Écosse. Il met son martyre à l’an 1530[1]. Buchanan le met à l’année 1528[2], et lui donne pour père le frère du comte d’Aran, et pour mère la sœur du duc d’Albigni. Il remarque que, peu après son supplice, la mort d’un dominicain, qui avait été son délateur, consterna fort les esprits. Ce dominicain s’appelait Alexandre Cambel. C’était un jeune homme qui avait beaucoup de génie, et beaucoup d’érudition. Il avait souvent discouru avec Hamilton sur l’interprétation de l’Écriture, et lui avait avoué qu’il reconnaissait pour vraies la plupart des doctrines qui passaient alors pour paradoxes. Hamilton, se souvenant de cet aveu, le traita de méchant homme, quand il le vit son accusateur, et le cita devant le trône de Dieu. Ces mots le troublèrent de telle sorte, qu’il en perdit le jugement et qu’il mourut fou quelque temps après[3]. Ales rapporte[4], touchant le supplice de Patricius Hamilton, bien des choses, que Rabus a insérées dans son Histoire allemande des martyrs.

(B) On le persécuta avec tant de violence, qu’il fut contraint de se retirer en Allemagne. ] Cette persécution lui fut suscitée à cause qu’il avait fortement prêché devant un synode provincial, en 1529, contre les prêtres fornicateurs. Le prevôt de Saint-André, dont les commerces impudiques étaient connus de tout le monde, se reconnut à ce sermon, et s’imagina qu’on l’avait voulu mettre en spectacle à tout l’auditoire. Il résolut de s’en venger à la première occasion ; et comme il était d’un tempérament mille fois plus propre à un soldat qu’à un chanoine, il ne choisit que des manières violentes. Ayant su que tout le chapitre s’était assemblé pour envoyer porter des plaintes contre lui au roi Jacques V, il se rendit à l’assemblée avec des gens bien armés, et ordonna qu’on lui saisît Ales, qui lui représentait de modérer sa colère : il mit même l’épée à la main pour répondre à cette juste remontrance. Ce pauvre chanoine fut saisi de tant de peur, qu’il se jeta aux pieds du prevôt, et lui demanda la vie fort humblement. Il en fut quitte pour un coup de pied sur la poitrine, dont il demeura quelque temps évanoui ; après quoi il fut conduit en prison. Tous les autres chanoines y furent aussi conduits ; mais le roi, ayant su la chose, les fit mettre en liberté. Il n’y eut qu’Ales qui ne fut point élargi ; car, au contraire, on le mit dans un cachot épouvantable, où il demeura vingt jours. Sa liberté ne fut pas de longue durée. Il n’avait pas cru devoir taire aux magistrats le mal qu’il avait souffert : là dessus, le prevôt, qui lui avait défendu de le leur dire, le fait remettre en prison, et représente à l’archevêque que c’é-

  1. Beza, in Iconibus.
  2. Louis Rabus, au livre IV de l’Histoire des Martyrs ; Budæus, θανατολ. pag. 38 ; Hondorf, Prompt., pag. 64 ; Justus, de Academiis, p. 45, le mettent comme Buchanan. Voyez Jacobi Thomasii Oration. de Alexandro Alesio, p. 307.
  3. Buchanan. Rer. Scoticarum lib. XIV.
  4. Exposit. in Psalm. XXXVII, folio 164. Voyez aussi sa Réponse à Cochleus, pag. 9.