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ALCMÉON.

adressé aux Grecs, qu’ils eussent à vivre en paix, à honorer les Muses, et à terminer leurs différens selon les règles de l’équité. Les lettres de l’inscription étaient conformes à l’écriture qu’Hercule apprit sous le règne du roi Protée. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que les habitans d’Haliarte, ayant eu une très-mauvaise récolte, et de grandes inondations, crurent que ces maux étaient venus de ce qu’ils avaient souffert que l’on remuât le tombeau d’Alcmène. On lit de semblables réflexions dans plusieurs légendes, par rapport au démembrement ou à la translation des corps saints.

ALCMÉON. Plusieurs personnes ont été ainsi appelées. Le dernier archonte perpétuel d’Athènes ce nommait Alcméon. Après lui, on créa d’autres archontes dont la charge ne durait que dix ans. Ce changement arriva pendant la 6e. olympiade, un peu avant que Romulus bâtit la ville de Rome[a]. Hérodote parle d’un Alcméon qui vivait à Athènes du temps de Crésus, et qui rendit mille bons offices aux ambassadeurs que ce roi envoya à Delphes[b]. Crésus l’ayant appris le fit venir à sa cour, et lui permit de prendre dans ses trésors tout autant d’or qu’il pourrait porter. On peut lire dans Hérodote les expédiens dont Alcméon se servit pour se donner une charge bien pesante. Crésus lui fit encore d’autres présens ; de sorte qu’il le mit en état de donner un très-grand lustre à sa famille dans Athènes. Elle y a été une des plus considérables. Les Alcméonides (c’est ainsi que l’on appelait les descendans d’Alcméon) s’y distinguèrent en plusieurs rencontres, et surtout en s’opposant fortement à la tyrannie que Pisistrate et ses fils tâchèrent en vain de perpétuer. Je crois que cet Alcméon est le même que celui qui fut général des Athéniens dans la guerre qu’on entreprit pour la protection du temple de Delphes, à la sollicitation de Solon[c]. Je trouve dans Plutarque un Alcméon qui fut grand ennemi de Thémistocle [d]. Il y a dans le Dictionnaire de Moréri plusieurs fautes concernant le mot Alcméon (A). Je vais parler à part de deux personnes qui ont porté ce nom-là.

  1. Eusebii Chronicon.
  2. Herod. lib. VI, cap. CXXV.
  3. Plut. in Solone. pag. 84.
  4. Id. in Vitâ Aristid. sub fin., p. 334, E.

(A) Il y a dans le Dictionnaire de Moréri plusieurs fautes touchant le mot Alcméon. ] 1°. Il n’est pas vrai qu’Alcméon, dernier archonte perpétuel, ait vécu vers l’an 301 ou 300 de Rome. Eusèbe, qu’on cite, met avant la fondation de Rome la fin des archontes perpétuels. 2°. D’ailleurs, l’année 301 de Rome ne répond pas à l’année 3300 du monde : mais environ à l’année 3530, selon le père Pétau, ou à l’année 3498, selon Sethus Calvisius. 3°. Alcméon, l’archonte perpétuel, n’est pas le même Alcméon qui reçut tant de présens de Crésus[1]. Il précéda d’environ 190 ans la première année du règne de ce monarque. 4°. La dernière année de ce règne répond à l’an 206 de Rome. 5°. Hérodote, que l’on cite, ne dit point qu’Alcméon ait succédé à Megaclès son père en la charge d’archonte annuel ; ni que les ambassadeurs de Crésus aient demande à Alcméon, s’il voulait se joindre avec leur maître pour aller à Delphes ; ni qu’après leur avoir promis de le faire, ce roi lui fit présent d’autant d’or qu’il en pourrait porter ; ni qu’ayant aperçu qu’Alcméon s’était chargé d’or au delà de ses forces, il le fit porter avec ce fardeau dans sa maison, parce qu’il ne pouvait pas marcher à cause de sa charge. Je ne saurais deviner par quel

  1. On le dit pourtant dans l’édit. de Hollande. Le Supplém. de Moréri n’avait dit, sinon que cet Alcméon avait été archonte annuel d’Athènes.