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ALCMAN.

tinæ nostræ consuetudinis usus ut magis quibuscum agerem in mentem mihi veniret, quàm cui litteras daturus essem satis meminissem[1]. S’il est le personnage désigne dans une autre lettre de Longolius[2], comme un habile homme le conjecture[3], quel portrait faisait-on de lui ! quelle malhonnêteté, quelle rage de médire, ne lui attribuait-on pas ! quel mépris n’avait-on pas pour sa personne ! Ce qui pourrait faire douter que Longolius parle de lui en cet endroit-là, est que peu après il nomme Alcyonius, sans aucun signe de mauvaise disposition ; mais ce sujet de douter n’est pas une preuve convaincante, puisque d’ailleurs ce portrait-là est conforme à celui qu’un autre auteur du même siècle a donné d’Alcyonius. On venait de dire que Pierus Valerianus était un homme sincère, et tout aussitôt on remarque : Diversæ naturæ est Petrus Alcyonius Venetus, mordax et maledicus, nec pudens magis quàm prudens..… mitto de hoc nebulone plura qui bellum bonis omnibus indixit, flagris et fuste coërcendus[4]. Notez qu’on avoue qu’il avait fait de bons vers lyriques et iambiques, et qu’il se vantait d’avoir composé une tragédie excellente sur la mort de Jésus-Christ[5].

  1. Idem, ibid. folio 204.
  2. C’est la XXe. du IIe. livre.
  3. M. de la Monnoie : c’est lui qui m’a indiqué ces passages de Longolius, ou Longueil.
  4. Lilius Gregorius Gyraldas, de Poet. sui temporis Dialogo I, pag. 542, edit. 1696.
  5. Idem, ibid.

ALCMAN, poëte lyrique, florissait dans la 27e. olympiade[a]. Les uns disent qu’il était de Lacédémone, les autres qu’il était né à Sardes, ville capitale de la Lydie. Ce qu’il y a de bien sûr, c’est qu’il a eu droit de bourgeoisie dans Sparte (A), et que les Lacédémoniens se sont fait honneur d’avoir fourni à la Grèce un bel-esprit comme celui-là (B). Il avait fait quantité de vers dont il ne nous reste que peu de chose, cité par Athénée, ou par quelque autre ancien auteur. Il était d’un tempérament fort amoureux, et il passe pour le père de la poésie galante (C). Il semble même que l’on ait dit qu’il fut le premier qui introduisit la coutume de chanter des vers d’amour dans les compagnies[b]. On nous à conservé le nom de l’une de ses maîtresses[c] : elle s’appelait Mégalostrata, et se mêlait de versifier. S’il s’en fût tenu là, on n’aurait pas eu tant de sujet de se plaindre ; mais on parle aussi d’un Chæeron, duquel i fut amoureux[d]. Alcman a été l’un des grands mangeurs de son siècle [e]. Cette qualité aurait eu de fâcheux inconvéniens, si la poésie avait été en ce temps-là sur le pied qu’on la vue souvent, peu propre à faire vivre son maître. Il mourut d’une maladie assez singulière ; car il fut mangé des poux[f]. Il ne faut pas le distinguer du poëte Alcmæon (D) ; et je ne vois point la nécessité de reconnaître deux Alcmans, l’un de Lacédémone, l’autre de Messène (E).

  1. Suidas, in Ἀλκμάν.
  2. Athen., lib. XIII, pag. 600.
  3. Id. ibid.
  4. Idem. lib. X, pag. 416.
  5. Id. ibid, et Ælian. Var. Histor., lib. I, cap. XXVII.
  6. Aristotel de Histor. Anim., lib. V, cap. XXXI ; Plin., lib. XI, cap. XXXIII ; Plutarch. in Syllâ, pag. 474.

(A) Il a eu droit de bourgeoisie dans Sparte. ] Cela paraît par une épigramme que Plutarque a insérée dans son Traité de l’Exil[1]. On y fait dire à Alcman, que s’il avait été élevé dans Sardes, la patrie de ses ancêtres, il serait un pauvre prêtre de la déesse Cybèle, destitué de ses parties viriles ; mais qui se voit à présent citoyen de Lacédémone, bien instruit aux lettres grecques, ce qui le rend supérieur aux rois de Lydie. L’inter-

  1. Oper. Moralium pag. 599.