adhérens, qu’on avait bannis[a]. D’autres veulent qu’ayant abusé de la clémence de Pittacus, et n’ayant point cessé de cabaler et d’invectiver, on cessa d’user de support à son égard[b] ; et que c’est ce qu’Ovide a voulu signifier par ces paroles :
Utque lyræ vates fertur periisse severæ,
Causa sit exitii dextera læsa tui.
Cela est d’autant plus vraisemblable,
qu’Alcée passait pour un
homme qui s’opposait aux innovations,
non pas parce que c’étaient
des innovations, mais parce
que d’autres que lui les introduisaient
[c]. C’est un défaut qui
lui est commun avec bien des
gens. Il ne nous reste que des
lambeaux de ses poésies.
(A) La Chronique scandaleuse, etc. ] J’ai rapporté les propres paroles de M. le Fèvre, et je suis fort trompé s’il a pris ailleurs que dans la Rhétorique d’Aristote ce petit conte. Aristote cite ces mots d’Alcée :
Θέλω τὶν εἰπεῖν. ἀλλά με κωλύει
Αἰδώς,
et cette réponse de Sappho :
Αἰ δ᾽ ἷκέ σ᾽ ἐσλῶν ἵμερος, ἢ καλῶν,
Καὶ μή τι εἰπειν γλᾶσσ᾽ ἐκύκα κακὸν,
Αἰδώς κε νυ σ᾽ οὐχ εἶχεν ὄμματ᾽,
Ἄλλ᾽᾽ ἔλεγες περὶ τῶ δικαίω[1].
Voici le sens de ces vers. Alcée déclare
qu’il voudrait bien dire quelque
chose ; mais que la honte l’en empêche.
Sappho lui répond que s’il avait
désiré des choses bonnes et honnêtes,
et si sa langue n’eût pas été prête à
prononcer quelque malhonnêteté, la
honte ne lui serait point montée au
visage, et qu’il ferait une proposition
raisonnable. Ceux à qui il est donné
de juger des livres de M. le Fèvre,
gens, comme il a dit dans sa première
Journaline, qui ont l’âme capable
de plusieurs formes, et qui sentent à
demi-mot le beau et le fin des pensées
et des expressions, voient bien que
ces paroles d’Alcée sont une de ces
déclarations d’amour qui demandent
l’heure du berger, et que Sappho comprenait
parfaitement ce qu’il voulait
dire. Sa réponse est sage ; mais elle
est peut-être d’un trop grand sang-froid,
selon cette supposition.
(B) Il a avoué le malheur qui lui était arrivé de fuir[2] ] Celui de tous les poëtes latins, qui ressemble le mieux à Alcée, a confessé aussi-bien que lui dans ses poésies, qu’il s’était sauvé du combat, en jetant ses armes comme un meuble très-inutile à des fuyards :
Tecum Philippos et celerem fugam
Sensi, relictâ non benè parmulâ,
Quùm fracta virtus et minaces
Turpe solum tetigêre mento[3].
Archilochus avait eu la même aventure
avant Alcée, et s’en était confessé publiquement
[4]. Horace n’aurait pas
été peut-être de bonne foi jusqu’à ce
point, s’il n’avait eu ces grands exemples
devant les yeux. Chabot se trompe
quand il soutient que Plutarque
a réfuté Hérodote sur la fuite d’Alcée
[5]. Plutarque s’est contenté de dire
qu’Hérodote a supprimé une belle action
de Pittacus, mais non pas la
mauvaise action d’Alcée[6]
(C) La personne qu’il aimait n’était que trop une aide semblable à lui. ] Horace nous apprend que la maîtresse d’Alcée était un garçon qui se nommait Lycus, et qui avait les yeux et les cheveux noirs :
Qui ferox bello, tamen inter arma,
Sive jactatam religarat udo
Littore navim,
Liberum et Musas, Veneremque et illi
Semper hærentem puerum canebat,
- ↑ Aristot. Rhetoric., lib. I, cap. IX. Notez que je range et que j’accentue ce grec comme Scaliger sur Eusèbe, pag. 65, édition de 1658.
- ↑ Herod., lib. V, cap. XCV ; et Strabo, lib. XIII, pag. 412, 413.
- ↑ Horat. Od VII, lib. II, vs. 9.
- ↑ Voyez la remarque (H) de son article.
- ↑ Chabot. in Horat. Od. XIII, lib. II.
- ↑ Plutarc. de Malign. Herodoti, pag. 858.