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ALAMOS.

Saint ; ce qui est horrible. Et, cependant, c’est une suite nécessaire de ce discours de Raynaldus, l’an 1450, n. 20. Hoc anno, dit-il, Ludovicum Alamandum archiepiscopum Arelatensem..... vitâ cessisse tradunt, atque miraculis post mortem coruscâsse affirmant, eumque Clemens VII veluti Beatum coli permisit exarato diplomate Pontificio 9. Apr. an. 1527. Itaque adoranda est divina misericordia, quæ exiguo temporis fluxu Ludovicum ipsum nefandi et perniciosissimi schismatis auctorem, propagatorem hæreseos, qui ex erroneâ conscientiâ innumera in Dei Ecclesiam mala invexerat, ac tot annorum cursu in pertinaciâ obfirmatus profanaverat sacramenta, pœnitentem ac reversum in gremium Ecclesiæ ad sanctitatis culmen brevi evexit. Si cet autheur s’estoit contenté de dire que le grand zèle qu’avoit ce saint homme pour la réformation de l’Église l’avoit emporté à des actions trop violentes, quoy qu’il les fist par un bon motif, cela auroit esté supportable, et ne seroit pas si contraire aux témoignages que Dieu a rendus de sa sainteté. Mais de le faire passer pour méchant homme, pour un hérétique, et pour un schismatique opiniastre qui auroit profané les sacremens par une infinité de sacriléges, et vouloir qu’ensuite en un an ou deux il soit devenu Saint à canoniser, sans avoir donné aucune preuve de son repentir de tant de crimes qu’on luy impute, c’est avoir une estrange idée de la sainteté, ou plustost, c’est aimer mieux allier ensemble la malice et la sainteté, que d’avouer qu’un pape s’est trompé, en déclarant un homme méchant, lors même que Dieu l’a déclaré saint. Mais la bulle de Clément VII, de la béatification de ce saint homme, rapportée par Ciaconius, suffit pour confondre cet escrivain, puisque le pape luy rend témoignage, non d’avoir fait une grande pénitence des crimes qu’il auroit commis, mais d’avoir rendu à Dieu son âme très-pure, après avoir vescu soixante ans. »

Ces messieurs censurent très-justement Raynaldus à l’égard de la hardiesse avec laquelle il assure le repentir d’Aleman, et ils réfutent d’une manière démonstrative sa prétention ; mais ils ont tort de l’accuser de ce dogme horrible qu’ils étalent si pompeusement : il n’est point vrai qu’il joigne ensemble la sainteté et l’impénitence ; car il suppose, au contraire, que ce cardinal se repentit, et il reconnaît en cela une adorable miséricorde du bon Dieu.

Au reste, si je dis ici que M. Claude a reproché aux jansénistes d’avoir soufflé le chaud et le froid touchant Oderic Raynaldus[1], ce n’est que pour faire voir qu’on leur attribue les Remarques que je leur ai attribuées.

  1. Claude, Préface de la Réponse à la Perpétuité de la Foi défendue, pag. xxviij, xxix.

ALAMOS (Balthasar) naquit à Medina-del-Campo, dans la Castille. Ayant étudié en droit à Salamanque, il entra au service d’Antoine Perez, secrétaire d’état sous le roi Philippe II, et il eut beaucoup de part à l’estime et à la confidence de son maître : de là vint que l’on s’assura de sa personne, après la disgrâce de ce ministre. On le détint en prison onze ans. Philippe III, parvenu à la couronne, le mit en liberté, suivant les ordres que son père lui en donna dans son testament. Alamos mena une vie privée, jusqu’à ce que le comte duc d’Olivarez, favori de Philippe IV, l’appelât aux emplois publics. On lui donna la charge d’avocat général dans la cour des causes criminelles, et dans le conseil de guerre ; ensuite il fut conseiller au conseil des Indes, et puis au conseil du patrimoine royal. Il était chevalier de Saint Jacques, homme d’esprit et de jugement, et qui avait la plume meilleure que la langue. Il vécut quatre-vingt-huit ans, et ne laissa que des filles. Sa traduction espagnole de Tacite, et les aphorismes