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ALAMANDUS.

cardinal d’Arles. Il n’était point Bourguignon, comme l’ont débité quelques auteurs ; mais il ne s’en fallait guère, puisque le pays de Bugei lui a donné la naissance. C’est ce que Guichenon a fait voir dans son histoire de Bresse, comme M. Moréri l’a remarqué. Pour ne pas répéter ce qu’il en dit, je m’arrêterai à d’autres choses. Le cardinal d’Arles présida au concile de Bâle, qui déposa Eugène IV, et qui élut l’antipape Félix V[a]. Il a été fort loué par Énée Silvius, comme un homme tout-à-fait propre à présider à de telles compagnies, ferme et vigoureux, illustre par sa vertu, savant, et d’une mémoire admirable pour récapituler tout ce que les orateurs et les disputans avaient dit [b]. Un jour qu’il harangua contre la supériorité du pape sur le concile, il se fit admirer de telle sorte que plusieurs l’allèrent baiser, et que d’autres s’empressèrent à baiser sa robe. On élevait son habileté jusqu’au ciel : habileté qui avait fait qu’encore qu’il fût Français, il avait surpassé les Italiens, quelque fins qu’ils fussent [c]. Il savait fort bien employer les machines de la dévotion ; car un jour de session, il fit porter par les prêtres, dans l’assemblée, toutes les reliques qui se purent trouver à Bâle, et les fit mettre à la place des évêques absens. Cela produisit un tel effet, que lorsqu’on vint, selon la coutume, à invoquer le Saint-Esprit, chacun se mit à pleurer. Il ne fit pas moins pleurer les assistans lorsqu’il officia le jour d’une autre session, et que la tête chauve toute nue, il distribua la communion à tous ceux qui se présentèrent, leur donna à tous le baiser de paix, et les exhorta à communier dignement [d]. Il fut inflexible à tout pendant la peste qui s’éleva dans la ville : la mort d’une partie de ses domestiques, et les prières de personne ne le purent obliger de sortir ; il aima mieux sauver le concile au péril de sa vie, par sa présence, que sauver sa vie, au péril du concile, par son absence[e]. Il était extrêmement laborieux, et si sobre, qu’il y eut des conclavistes qui ne purent souffrir qu’en diminuant leur ordinaire, on leur représentât l’exemple de ce cardinal. La réponse que fit là-dessus un Polonais vaut la peine d’être lue (A). Il ne faut pas demander si le pape Eugène foudroya le président d’un concile où il avait été déposé. Il le priva de toutes ses dignités, et le traita de fils de la gehenne (B). Cependant Louis Alamandus ne laissa pas de mourir en odeur de sainteté (C), et de faire tant de miracles après sa mort, qu’à la requête des chanoines et des célestins d’Avignon, et sur les instances du cardinal de Clermont, légat à latere de Clément VII, il fut béatifié par ce pape, l’an 1527[f].

  1. Il était duc de Savoie, et se nommait Amédée.
  2. Æneas Silvius, de Gestis Basileensis Concilii, lib. I.
  3. Prudentiam ejus magnoperè commendabant, qui licèt origine esset Gallicus, Italos tamen hâc die summâ homines astutiâ superâsset. Æneas Silvius, de Gestis Concil. Basil., lib. I.
  4. Idem, lib. II.
  5. Idem, ibid. Je rapporte ses paroles latines, dans la remarque (A).
  6. Voyez-en la Bulle dans Laun. Epist.,