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AGRICOLA.

chancelier du comte palatin, et évêque de Vormes, de retourner auprès de lui l’année suivante. On reconnaît cependant par ses autres lettres, qu’il n’y retourna point avant le milieu de l’année 1484. Ainsi, le calcul de Vossius, pag 566, de Hist. lat. touchant les trois ans de la régence de Rodolphe à Heidelberg[1], n’est point juste. Sigismond de Foligni, autrement Sigismundus Fulginas, se trompe aussi, quand il dit que Rodolphe mourut en chemin, au retour de Rome en son pays. Rodolphe partit de Rome en 1480, et mourut cinq ans après à Heidelberg. On ne voit point par la lecture de ses Œuvres, qu’il ait fait à Vormes la fonction de professeur. » On a une lettre de Pierre Schottus, datée du 18 de février 1484, dans laquelle il témoigne qu’il avait appris avec beaucoup de plaisir qu’Agricola avait commencé de faire des leçons à la jeunesse dans Heidelberg. Argentinam reversus, cùm intellexissem..... te Heidelbergæ cœpisse purgare et linguas juvenum et aures, ut illæ nil scelerosum balbutiant, hœ verò tuis tam peritis et dulcibus elegantiis delibatæ, omnes illas sciolorum insulsas et verbosas ineptias quasi magicas incantationes declinent : tùm ego vehementer sum gavisus[2].

(E) Il commençait à y faire de bons progrès. ] On sait de lui-même, qu’au commencement cette étude lui parut très-difficile : Studia Hebræa..…. primùm et plurimùm negotii, uti scribit ipse, exhibuerunt, ut sibi videretur cum Antæo luctari[3]. Ensuite ayant rencontré un Juif qui entendait passablement cette langue, il alla en peu de mois jusqu’à pouvoir traduire sans fautes quelques psaumes de David : Nactus Judæum ejus linguæ utcunque peritum paucis mensibus tantùm profecit, ut aliquot psalmos Davidicos in latinam linguam citra culpam transtulerit [4]. Il n’y a pas là de quoi dire avec Vossius, qu’Agricola était très-docte en hébreu, hebraicè doctissimus [5] : on peut, sans faire injustice, dégrader ce superlatif, et le traiter comme un cavalier que l’on démonte, pour l’incorporer dans l’infanterie. Gesner a mieux distingué que Vossius : celui-ci a mis le superlatif au latin, au grec et à l’hébreu d’Agricola, indifféremment ; mais voici comment Gesner s’est exprimé : Græci et latini sermonis peritus, et Hebraïcæ linguæ non ignarus[6]. Il emprunte de Trithème ces paroles. Konig enchérit sur Vossius ; car il se sert du superlatif callentissimus. Voyez ci-dessous la troisième faute de Varillas. Remarquons aussi que Trithème ne parle point exactement lorsqu’il assure qu’Agricola avait fait une traduction du psautier sur l’original hébreu[7] ; car on ne met point parmi les ouvrages d’un auteur les thèmes qu’il fait en apprenant une langue. Or, il est manifeste que la traduction que faisait Agricola de quelques psaumes de David, était un thème que son Juif lui corrigeait. Ce Juif s’était converti à la religion chrétienne. Jean d’Alburg, évêque de Worms[8], ne l’entretenait chez lui que pour l’amour d’Agricola, si nous en croyons Valère André : Primus exsulantes à Germaniâ græcas restituit litteras, quibus ætate provectior etiam Hebraïcas adjecit, præceptore usus Judæo quodam ad fidem converso, quem Wormatiensis episcopus Joannes d’Alburgius, solius Rodolphi causâ, domi suæ alebat[9].

(F) Par une certaine paresse naturelle qu’il se sentait. ] Comme je ne saurais atteindre à la force de ses expressions, je rapporterai les mots grecs dont il se servit : Uxorem nunquàm duxit : quanquam in priore ætate ducturum destinârat. Sed posteaquàm incepit diligentiùs se ipse introspicere, aversus est ab eo consilio, non incommodis rei œconomicæ, sed deterruit ipsum genus vitæ suæ et animus levissimis etiam curtis impar, καὶ ϕιλήσυχόν τι τῆς ϕύσεως (verba sunt ipsius, epistolâ quâdam ad Capnionem) ἥγε μᾶλλον

  1. Notez que Melch. Adam ne dit point qu’Agricola ait jamais enseigné la philosophie dans Heidelberg. Vossius suppose qu’il l’y enseigna trois ans.
  2. Centuria Epistolarun Philologicarum à Goldasto editarum, pag. 55, 56.
  3. Melch. Adami Vitæ Philosoph., p. 18,
  4. Id. ibid., pag. 19.
  5. De Histor. Latin., pag. 566.
  6. Gesneri Biblioth., folio 585.
  7. Apud Valerium Andr., Bibl. Belg., p. 798. Gesner l’assure aussi.
  8. Et non d’Heidelberg, comme dit Bullart, Académie des Scienc., tom. I, pag. 276.
  9. Valer. Andreas, Bibl. Belg., pag. 798.