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AGRICOLA.

de théologie de Paris a espéré que sa censure ôterait du chemin de ceux qu’on nomme nouveaux réunis une pierre d’achoppement, elle s’est trompée ; car les oppositions qu’il lui a fallu surmonter dans son propre corps, et le mécontentement qui a éclaté après la publication de la censure, ont beaucoup plus scandalisé les réunis, que la censure n’aurait pu les édifier. Outre que leur grand sujet de scandale est tout entier dans la préface de cette censure : préface qui est un signal élevé de la continuation d’une controverse capitale, je veux dire d’un culte dont les excès ont excité quelques curieux à philosopher pour en découvrir l’origine [1].

  1. Voyez la remarque (N) de l’article Nestorius.

AGRICOLA. Un nombre presque infini d’auteurs portent ce nom ; mais comme il n’y en a que trois ou quatre qui me soient un peu connus, je ne parlerai que de ceux-là.

AGRICOLA (George), médecin allemand, excella dans la connaissance des métaux. Il naquit à Glaucha, dans la Misnie, le 24 mars 1494. Les découvertes qu’il fit dans les montagnes de Bohème, après son voyage d’Italie, lui donnèrent une passion si ardente de connaître à fond tout ce qui concerne les métaux, que lors même que par le conseil de ses amis il se fut engagé à pratiquer la médecine à Joachimstal[a], il donnait le plus de temps qu’il pouvait à l’étude des fossiles. Pour mieux satisfaire cette passion, il se transporta à Chemnits, où il s’appliqua tout entier à cette étude. Il y dépensait non-seulement la pension qu’on fut avait obtenue de Maurice, duc de Saxe, mais aussi une partie de son bien ; de sorte qu’il remporta de ses travaux beaucoup plus de gloire que de profit. Il composa plusieurs ouvrages sur la matière qui lui tenait le plus au cœur, et quelques autres sur divers sujets (A). Il examina ce que Budé, Léonard Porcius et Alciat avaient observé touchant les poids et les mesures, et y remarqua bien des fautes. Alciat se voulut défendre et n’y trouva point son compte. Bodin soutient qu’en comparaison d’Agricola les Aristote et les Pline n’ont été que des aveugles sur les questions métalliques[b]. Il ne faut pas oublier que lorsque le duc Maurice et le duc Auguste allèrent joindre en Bohème l’armée de Charles-Quint, Agricola les servit pour leur témoigner sa fidélité, quoiqu’il fallût qu’il abandonnât le soin de son bien, ses enfans, et sa femme qui était enceinte[c]. Il mourut à Chemnits le 21 novembre 1555, très-bon papiste. L’ardeur avec laquelle il combattit sur ses vieux jours la doctrine protestante, dont il n’avait point paru fort éloigné au commencement (B), le rendit si odieux aux luthériens, qu’ils le laissèrent cinq jours sans sépulture (C). Il fallut qu’on allât tirer de Chemnits ce cadavre, pour le transporter à Zeits, où il fut enterré dans la princi-

  1. C’est-à-dire, la vallée de Joachim. C’est une ville de Misnie,
  2. Bodin, in Method. Hist. Voyez dans Pope Blount, Censura celebrior. Authorum. pag. 413, un grand nombre d’éloges très-honorables d’Agricola.
  3. Uxore prægnante cum dulcissimis liberis domi relictâ, fortunis etiam omnibus posthabitis, cùm jusjurandum, quo eis erat devinctus, nullo modo negligendum putaret, in exercitu corum penè senex militavit. Melch. Adam, Vitæ Medic., pag. 79.