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AGÉSILAÜS.

Lisez ce passage de Xénophon : c’est Cambyses qui parle à Cyrus son fils, et qui compare les nouvelles ruses de guerre avec les nouveaux airs de musique. Καὶ σϕόδρα μἐν καὶ ἐν τοῖς μουσικοίς τὰ νέα καὶ ἀνθηρὰ ἐυδοκιμεῖ, πολὺ δὲ καὶ ἐν τοῖς πολεμικοις μᾶλλον τὰ καινὰ μηχανήματα εὐδοκιμει. ταῦτα γὰρ μᾶλλον καὶ ἐξαπατᾶν δύνανται τοὺς πολεμίους[1]. At sicut in musicis quoque nova et florida habentur plurimùm in pretio, sic in rebus bellicis nova inventa existimantur longè illustriora ; quoniam hæc magis queunt hostes decipere. Nous dirons ailleurs[2], qu’il y a des gens qui, à force d’être sots, évitent qu’on ne les trompe.

(D) Qu’il gagna sur les alliés dans la Béotie. ] La bataille se donna à Coronée. Xénophon, qui y servit sous le roi Agésilaüs, le témoigne[3], et Plutarque le dit aussi[4]. Lambin, dans son Commentaire sur ces paroles de Cornélius Népos, apud Coroneam, quos omnes gravi prælio vicit, a voulu corriger sans nécessité le mot Χαιρωνείαν de Plutarque, par celui de Κορωνείαν. Plutarque a fait mention de ces deux lieux, sans prétendre que la bataille se soit donnée au premier. Mais, dit Lambin, Ægésilaüs put-il, en sortant de la Phocide, s’avancer dans la Béotie jusqu’à Chéronée, si Chéronée est dans la Phocide  ? Non sans doute ; mais ce si est faux, et Lambin témoigne par-là qu’il ne savait guère de géographie. Voyez le Commentaire de Kirckmaier sur Cornélius Népos, à la page 722. Charles Étienne a erré encore plus grossièrement lorsqu’il a mis Coronée dans le Péloponnèse. MM. Lloyd et Hoffnan l’ont suivi dans cette faute.

(E) Il mourut de maladie en chemin, l’an 3 de la 104e. olympiade. ] Une tempête l’ayant obligé de relâcher, on le porta dans un lieu désert nommé le port de Ménélas, et il y mourut[5]. Hic cùm ex Ægypto reverteretur…. venissetque in portum qui Menelai vocatur, jacens inter Cyrenas et Ægyptum, in morbum implicitus decessit[6]. Ce fut l’an 3 de la 104e. olympiade, selon Calvisius ; mais on voit par là que son calcul ne vaut rien ; car depuis la 3e. année de la 95e. olympiade, commencement selon lui du règne d’Agésilaüs, jusqu’à la troisième aunée de la 104e. olympiade, il n’y a que trente-six ans, et néanmoins il en donne quarante-un à ce règne. Mettons-en donc le commencement, avec Helvicus, à la 2e. année de la 93e. olympiade, et la fin à la 3e. année de la 104e.

(F) M. Moréri a fait ici quelques fautes. ] Il est faux, 1o . que Léotychide fût fils naturel du roi Agis ; 2o . que Lysander ait soutenu avec chaleur les prétentions de Léotychide[7] ; 3o . qu’Agésilaüs ait jamais campé auprès de la ville d’Héronce, dans la Béotie[8] ; 4o . qu’il ait eu l’air noble et plein de majesté[9] ; 5o . qu’il ait dit que l’oracle qui excluait de la couronne les boiteux se devait entendre des défauts de l’âme ou de celui de la naissance. Ces deux dernières fautes appartiennent au Supplément de Moréri. Je ne remarquerai pas qu’on nomme mal l’Égyptien à qui Agésilaüs rendit du service : il ne s’appelait point Nactenebon.

(G) N’a vécu dans une plus grande simplicité. ] Il n’y avait presque personne dans son armée plus mal habillé que lui[10]. Après son expédition d’Asie, où il avait acquis une si haute réputation, qui avait reçu de nouveau un si grand éclat à la bataille de Coronée, il vécut dans Sparte, tout comme aurait fait un bon Lacédémonien du vieux temps. Il ne changea rien dans ses habits, dans ses bains, dans ses repas ; et ce qui était peut-être plus difficile, il ne souffrit point que sa femme fût mieux vêtue qu’auparavant, ni qu’elle distinguât sa fille dans les processions par des ornemens qui surpassassent ceux des autres filles. Il ne fit aucune réparation aux portes de son logis, quoiqu’elles fussent si vieilles, et si délabrées, qu’il semblait que c’étaient les mêmes qu’Aristodème

  1. Xenophon, Cyropæd., lib. I, circa fin. pag. 21.
  2. Dans la remarque (L) de l’article Simonide
  3. Xenophon. de Reb. Græc., lib. IV, pag. 225.
  4. Plut. in Agesilao, pag. 605.
  5. Plut., pag. 618.
  6. Corn. Nepos, in Vitâ Agesil., sub fin.
  7. Sur ces deux premières fautes, voyez la remarque [[Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Agésilaüs 2#ancrage_Agésilaüs2-(A)|(A)]].
  8. Je ne crois pas que ni dans la Béotie ni ailleurs il y ait eu une ville nommée Héronce.
  9. Voyez la remarque (B).
  10. Plut. in Agesilao, pag. 603, C.