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des ACCORDS.

nes, et qui montrent que ce discours ressemble à celui des bonnes femmes, qui font peur d’Acco et d’Alphito aux petits enfans (B), afin d’empêcher qu’ils n’abusent de leur loisir. Plutarque fait voir ensuite que Chrysippe se contredisait lui-même.

(A) La critique de ce passage. ] 1o. Nul des trois auteurs qu’on cite n’a dit qu’Acco devint folle pour s’être vue dans un miroir, et qu’elle faisait semblant de refuser ce qu’elle souhaitait fort. C’est à Plutarque nommément que l’on attribue d’avoir dit cela ; puisque, après avoir rapporté la folie d’Acco, ses illusions touchant son image et sa dissimulation, on s’exprime ainsi, Plutarque ajoute. C’est dire que Plutarque a débité ces trois faits, et par conséquent c’est tromper le monde, vu que cet auteur dit seulement ce que j’ai cité de lui. 2o. Quelle négligence n’est-ce pas, que de citer Cicéron II ad Atticum ? Veut-on citer la IIe. lettre, ou bien le IIe. livre ? Faut-il laisser deviner cela aux lecteurs ? Faut-il leur laisser la peine de chercher quelle lettre c’est, quel livre c’est ? Ceux qui auront la patience de le chercher perdront bien leur peine. Ils trouveront dans la XIXe. lettre du IIe. livre, Certi sumus perrisse omnia : quid enim ακκιζóμεθα. tamdiù ? C’est ma IIIe. censure. Cicéron est cité à faux : il n’a rien dit d’Acco. Le mot grec dont il s’est servi, et dont plusieurs autres auteurs se servent pour signifier ce que nous appelons pateliner, biaiser, faire le difficile sur des choses que l’on souhaite passionnément ; ce mot, dis je, qu’Érasme a mis entre ses proverbes [1], a fait soupçonner qu’Acco avait été un hypocrite ; mais ce n’est qu’une conjecture, et il ne doit pas être permis de citer Plutarque, ni Cicéron, ni même Cœlius Rhodiginus, pour des conjectures que d’autres gens ont avancées.

(B) Qui font peur d’Acco et d’Alphito aux petits enfans. ] Je ne pense pas qu’il y ait de pays au monde, où l’on n’ait une semblable coutume. J’ai ouï condamner cela par de fort habiles docteurs. Les anciens Romains avaient leur Manducus, dont ils menaçaient les enfans, comme je le dirai sous ce mot-là.

  1. Voyez Accissare in Adagior. chil. II, cent. II, num. 99.

ACCORDS (Étienne Tabourot, seigneur des), avocat au parlement de Dijon, et puis avocat du roi[* 1] au bailliage et à la chancellerie de la même ville, naquit l’an 1549[a]. Ce fut un homme d’esprit et d’érudition, mais qui donna trop dans les bagatelles. Cela paraît par l’ouvrage qu’il intitula Bigarrures, dont la première édition est de Paris, en 1582 (A). Je l’ai cité quelquefois [b]. Ce ne fut point son premier livre ; car il avait fait imprimer quelques sonnets[* 2][c] : ce que n’ont point su ni la Croix du Maine, ni du Verdier Vau-Privas. L’ouvrage qu’il intitula les Touches fut imprimé à Paris, l’an 1585 (B). C’est un recueil de poésies ingénieuses, à la vérité, mais la plupart sur des matières obscènes, et qu’il traitait trop librement selon la mauvaise coutume d’alors. Il règne un semblable esprit dans ses Bigarrures. On lui en fit des reproches qui l’obligèrent à se justifier (C). On lui attribue un Dictionnaire des rimes françaises[* 3] (D). Au res-

  1. * Il était procureur du roi, dit Joly.
  2. * Ces sonnets, dit Joly, furent imprimés en 1572.
  3. * Joly donne le titre de quelques autres opuscules.
  1. On voit autour de sa taille-douce, qu’en 1584 il avait 35 ans. [Joly remarque qu’à ce portrait de 1584 on laissa l’inscription mise à celui de 1582, Æta. 35 ; de là l’erreur de Bayle. L’épitaphe de Tabourot apprend qu’il naquit au 1547, et qu’il mourut en 1590.]
  2. Voyez la table des matières, au mot Accords.
  3. Voyez le livre IV de ses Bigarrures, édition de Paris, chez Maucroy, en 1662, in-12, pag. 477.