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ACCIAIOLI

bable qu’il les ait traduites du grec. C’est à quoi Vossius ne semble pas avoir pris garde. Apparemment l’abréviateur de la Bibliothéque de Gesner lui a servi de mauvais guide. Le père Ménétrier assure qu’Acciaioli fut un imposteur en se vantant d’avoir traduit sur le grec la vie d’Annibal[1].

(B) Quelques-uns ont accusé Acciaioli de plagiat. ] On prétend qu’il s’appropria les Leçons de Jean Argyropylus, et qu’il en bâtit le commentaire qu’il publia sur la morale d’Aristote, sans rendre à chacun ce qui lui appartenait. Scripta, quæ sub nomine Acciaioli ed de re circumferuntur, non Acciaioli commentaria, sed Argyropyli Prælectiones Florentiæ habitæ, et ab Acciaiolo descriptæ editæque a plerisque existimantur. C’est ainsi que parle Simon Simonius dans l’épître dédicatoire d’un livre imprimé en 1567[2]. Gabriel Naudé renouvela cette accusation long-temps après d’une manière fort positive. Argyropylus Byzantinus, dit-il[3], cujus Prælectiones Florentiæ habitas non absque manifesto plagii crimine sibi poste à vindicavit Donatus Acciaiolus. M. Moréri a confondu la Morale d’Aristote avec le Commentaire sur cette morale : On a même cru, dit-il, que la Morale d’Aristote à Nicomachus, que Donat avait publiée, était de la façon du même Argyropyle ; mais Volaterran soutient le contraire. Voilà comment cet auteur savait traduire le latin le plus aisé, je veux dire le latin de Vossius : il avait lu ces paroles dans Vossius : Imò, commentaria illa in Nicomachiâ Aristotelis multi arbitrantur non ipsius esse Acciaioli, sed Prælectiones esse Argyropyli, ab Acciaiolo autem descriptas, inque lucem emissas. Nihil tale tamen de eo Volaterranus[4]. C’est confondre deux fois les choses ; c’est prendre le Commentaire pour le texte : c’est prendre le silence d’un homme pour la réfutation formelle d’une accusation. Le docte Conringius a justifié notre Donat contre Naudé ; non pas en montrant qu’Argyropylus n’avait point fourni les matériaux de l’ouvrage, mais en disant qu’Acciaioli avait indiqué sa source[5]. Quel aveu peut-on demander plus authentique que celui-ci ? Joannes Argyropylus Byzantius. cùm Florentiæ inter cætera philosophiæ opera Aristotelis libros qui ad Nichomachum de moribus scribuntur, mirificè esset complexus, eos tuo nomine latinos fecit, publicèque deindè explicuit, non sine magnâ audientium approbatione : habent enim libri 2 summam dignitatem, admirabilemque doctrinam, ordinem verò propè singularem. Itaque, si accurata et exquisita quædam explanatio accedat, magnum auditoribus afferent fructum ; quod ego jam indè ab initio mecum considerans unà cum plerisque aliis, qui hujus quoque præceptoris disciplinam sequuntur, in iis audiendis præcipuam curam diligentiamque adhibui.… Posteà verò cùm viderem hos libros à te et ab iis omnibus, qui ingenio vehementer excellunt, libentissimè legi, ulteriùs progrediendum ratus expositionem hujus doctoris, accommodatam præcipuè menti philosophi, litteris mandare constitui, ut ii, qui adesse non potuerunt,.... hæc quæ nos ex ejus ore accepimus percipere et ipsi pro arbitrio possent ; quare traductionem illus ac ordinem explicandi pluribus verbis secuti sumus, latâ interdùm et diffusâ oratione utentes, ut explanatio aperta magis magisque omnibus asset communis[6]. Si Vossius avait eu connaissance de ce passage, se serait-il contenté d’opposer aux accusateurs d’Acciaioli le silence de Volaterran ? Il pouvait lire cela dans un ouvrage de Gesner[7]. N’est-il pas bien étrange qu’un pauvre auteur qui avait si solennellement déclaré dans sa préface qu’il ne donnait qu’une traduction paraphrasée des leçons d’Argyropylus ait été pendant long-temps accusé de plagiat ?

(C) Outre les louanges. ] Cela paraît par le parallèle du texte de Paul Jove avec la paraphrase de M. Varillas. Eruditâ et pereleganti commentatione

    le dit expressément : dictavit proprio Marte Vitam Annibalis et Scipionis.

  1. Voyez le Journal des Savans du 2 septembre 1697, pag. 654.
  2. Sim. Simonii Commentar. in Aristotel. Ethic.
  3. Naudæi Bibliogr. polit. pag. 16.
  4. Vossius, de Hist. Lat. pag. 624.
  5. Conring. Introd. in Polit. Arist. pag. 649, 659 apud Thomasium de Plagio litterar. pag. 153.
  6. Donat. Acciaioli Præfat. ad Cosmum Medicem Commentar. in Ethicâ Arist. ad Nicomach.
  7. Gesn. Biblioth. fol. 216, verso.