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ACARNANIE

sieurs n’a remarqué qu’il est inutile dans cette question qu’Acamas et Démophoon aient été frères ; car ils pouvaient l’être, encore que l’un fût fils d’Ariadne et l’autre de Phèdre.

ACARNANIE, pays situé sur la mer Ionienne, entre l’Étolie et le golfe d’Ambracie. On dit que les Taphiens et les Téléboes en furent les premiers maîtres, et que Céphale le subjugua après avoir été établi Seigneur des îles voisines de Taphos par Amphitryon [a]. On ajoute qu’Alcméon, fils d’Amphiaraüs, s’en rendit le maître après la seconde guerre de Thèbes, et qu’il lui fit porter le nom de son fils Acarnan [b]. Il s’était associé avec Diomède, et ils avaient conquis l’Étolie, qui fut le partage de ce dernier. Quelque temps après, on les somma de se trouver à l’expédition de Troie : l’un d’eux, savoir Diomède, fut joindre les autres Grecs ; mais Alcméon se tint coi dans l’Acarnanie[c]. Cela fut utile, après plusieurs siècles, aux Acarnaniens, car ils s’en firent à Rome un grand mérite (A) ; ayant représenté qu’entre tous les Grecs il n’y avait eu que leurs ancêtres qui n’allassent pas au siége de Troie. Cette belle raison fut alléguée par le peuple romain, lorsqu’il embrassa leur parti contre l’Étolie (B), tant il est vrai qu’en certaines occasions la politique ne refuse point de se servir des prétextes les plus ridicules. Les Étoliens et les Acarnaniens se tinrent unis long-temps, [d] soit pour repousser les Macédoniens et les autres Grecs, soit pour maintenir leur liberté contre les armes romaines ; mais enfin ils s’épuisèrent et ils perdirent courage. L’année n’était que de six mois dans l’Acarnanie[e]. Les habitans de ce pays-là étaient fort lascifs, si l’on en croit quelques dictionnaires (C). Il est plus certain que la modestie n’y paraissait pas dans les vêtemens des femmes (D). Il n’est point vrai que Cicéron parle d’une ville qui eût nom Acarnanie (E).

J’ai dit que les habitans de ce pays-là se tinrent long-temps unis avec les Étoliens ; mais j’ajoute qu’il y eut souvent des guerres entre ces deux peuples, et que les Étoliens firent de grands maux aux autres. Polybe nous apprend cela lorsqu’il raconte que les Acarnaniens, à la première sollicitation qui leur en fut faite par le roi de Macédoine, déclarèrent la guerre aux Étoliens [f]. Il leur donne l’éloge d’avoir tenu une politique fort louable, qui est d’avoir préféré l’honnête à l’utile, et cela dans les périls les plus pressans[g].

  1. Strabo, lib. X. pag. 317.
  2. Idem, ibidem, pag. 318.
  3. Idem, ibidem.
  4. Idem, lib. X, pag. 317.
  5. Macrobius, Saturnal., lib. I, cap. XII, pag. 242.
  6. Polybii Hist., lib. IV, cap. XXX.
  7. Idem, ibidem.

(A) Ils s’en firent à Rome un grand mérite. ] L’historien Éphore, qui n’avait jamais songé à leur en fournir l’occasion, la leur fournit néanmoins ; car, quand ils surent ce qu’il racontait touchant Alcméon, ils s’en prévalurent adroitement auprès des Romains, qui prétendaient que le fondateur de Rome descendait d’Énée. C’est la conjecture de Strabon. Τούτοις δ᾽͵ ὡς εἰκός͵ τοῖς λόγοις ἐπακολουθήσαντες οἱ Ἀκαρνᾶνες, σοϕίσασθαι λέγονται Ῥωμαίους, καὶ τὴν αὐτονομίαν παρ᾽ αὐτῶν ἐξανύσασθαι λέγοντες, ὡς οὐ μετάσχοιεν μόνοι τῆς ἐπὶ τοὺς προγόνους τοὺς ἐκείνων στρατείας· οὔτε γὰρ ἐν Αἰτωλικῷ καταλόγῳ