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VIE DE M. BAYLE.

tort de s’exposer à ne pas répondre à l’opinion qu’on avait conçue de lui. » Il montre que ces jugemens sont quelquefois raisonnables, mais que le plus souvent ils sont très-injustes, et que si la suite d’un livre n’est pas aussi estimée que ce qui l’a précédé, ce n’est pas tant de la faute de l’auteur que par celle des lecteurs. Mais comme la disgrâce n’en est pas moindre, il conclut que si on en excepte un petit nombre d’auteurs privilégiés, tous les autres ont sujet de craindre la comparaison que l’on fait entre leurs ouvrages, si le premier a eu le bonheur de plaire. Il ajoute que jamais personne n’eut tant de sujet que lui de redouter cette comparaison, et il marque plusieurs circonstances qui avaient heureusement concouru à faire valoir la Critique générale de l’Histoire du calvinisme, et qui ne subsistaient plus pour favoriser ces Nouvelles lettres ; mais qu’enfin il avait souffert qu’on les publiât, bien résolu de regarder avec une parfaite indifférence tous les jugemens qu’on en pourrait faire. Il avertit néanmoins le lecteur qu’on trouvera dans le second tome quelques endroits qui n’ont pas toute la gravité qu’on attendra peut-être de ce livre, et qu’on pourra même croire qu’il y en a quelques-uns qui penchent trop vers la bagatelle. Ainsi il déclare qu’il n’a point prétendu écrire en docteur, ni pour les personnes savantes, mais pour une infinité de gens qui aiment à lire, et qui, n’ayant pas beaucoup d’études, ne cherchent, à proprement parler, qu’un honnête amusement qui des instruise et qui ne les fatigue pas. Ceux, dit-il, qui voudront juger de ce livre, doivent se souvenir que tel a été le but de l’auteur. Nous n’avons que la première partie de cet ouvrage : M. Bayle se proposait d’en donner encore deux parties ; il avait même commencé d’y travailler, mais il ne les a pas achevées. « On avait dessein au commencement, dit-il, de faire suivre cette première partie par deux autres, dont la première devait contenter ceux qui ont dit qu’on avait touché en trop peu de mots dans la Critique générale, plusieurs choses dignes de grande considération, comme le colloque de Poissy, la première prise d’armes, la version des psaumes, etc. ; et la seconde devait expliquer quelques difficultés de controverse. Mais, quoique depuis assez longtemps on ait quelque chose de prêt sur l’une et sur l’autre de ces deux parties, il y a beaucoup d’apparence que d’autres occupations empêcheront d’y pour la dernière main. »

M. Bayle en envoya un exemplaire à M. Lenfant, et l’assura qu’il pouvait lui en marquer les défauts sans craindre de le chagriner. « Je vous prie, dit-il [1], d’agréer un exemplaire d’une suite de la Critique générale ..... Je ne suis pas content de ce dernier livre, et vous me ferez plaisir de m’en faire remarquer naïvement les défauts. Ne craignez pas que j’en sois fâché le moins du monde. Mes amis ne me sauraient plus obliger qu’en me

  1. Lettre du 2 d’avril 1685, pag. 237.