Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T16.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
75
VIE DE M. BAYLE.

une espèce de journal intitulé, Nouvelles découvertes dans toutes les parties de la médecine. Il le publiait tous les mois ; mais la maniere outrageante dont il traitait plusieurs personnes de mérite donna lieu à un arrêt du conseil qui fit cesser ce journal en 1682. Le sieur de Blegny, n’osant plus faire imprimer de journal en France, jeta les yeux sur la Hollande, et s’associa avec M. Gautier, médecin de Niort, qui demeurait à Amsterdam. Il lui envoyait des mémoires. Du reste, ce nouveau journal ne contenait point d’extraits de livres, mais plusieurs petites pièces qui roulaient presque toutes sur la médecine. On y trouyait aussi des chansons avec la musique, des poésies, et des nouvelles politiques. La médisance y régnait encore plus que dans le journal de médecine.

Un ouvrage si mal conçu et si mal exécuté piqua M. Bayle, et lui fit reprendre la pensée qu’il avait eue de donner un journal. M. Jurieu l’y exhorta fortement. Il était bien aise d’avoir une plume assurée qui fit le panégyrique des livres qu’il publierait [1]. M. Bayle se rendit à ses sollicitations, et commença de travailler à son journal le 21 de mars 1684. Le 4 d’avril il convint avec le sieur Desbordes pour l’impression, et se détermina à le donner tous les mois sous le titre de Nouvelles de la République des Lettres, à commencer par le mois de mars. Il ne parut du Mercure savant que les mois de janvier et février ; sur quoi quelques personnes s’imaginèrent que M. Bayle en était l’auteur, ce qui l’obligea de le désavouer formellement [2]. Les Nouvelles de la République des Lettres pour le mois de mars ne parurent que le 27 du mois de mai, et celles pour le mois d’avril le 2 de juin : mais il travailla avec tant de diligence que celles de juillet furent publiées au commencement d’août, et ainsi des autres, les nouvelles de chaque mois paraissant les premiers jours du mois suivant. Dans la préface, il rendit compte du plan qu’il s’était fait, et qui ne différait pas beaucoup de celui des autres journalistes. Il divisa chaque journal en deux parties : la première contenait des extraits détaillés, et la seconde un catalogue de livres nouveaux accompagné de quelques remarques. Cela lui donnait lieu de parler d’un plus grand nombre de livres, et de faire connaître plusieurs ouvrages dont il ne croyait pas devoir donner l’extrait. Il ornait ses extraits de mille traits curieux et intéressans sur l’histoire des auteurs, sur leurs ouvrages, sur leurs disputes, et de plusieurs réflexions fines et délicates. Il ne travaillait pas uniquement pour les savans : il avait aussi en vue de plaire et de se rendre utile aux gens du monde [3]. En un mot, « tout était vif et animé dans ses extraits ; il avait l’art d’égayer toutes ses matières, et de renfermer en peu de

  1. Chimère démontrée, préf., p. clxxvij.
  2. Dans un avertissement qu’il mit à la fin des Nouvelles du mois de mars, de la 1re. édition, et qu’il répéta au revers du titre des éditions suivautes.
  3. Voyez la lettre à M. Leclerc, du 18 de juin 1684, p. 213 et suiv.