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VIE DE M. BAYLE.

il envoya son manuscrit à M. Bayle, le priant d’y faire les changemens qu’il jugerait à propos. M. Lenfant ne voulut point descendre dans le détail de la dispute : il se contenta de raisonner sur des principes généraux. Son livre parut au commencement de l’année 1684, sous le titre de Considérations générales sur le livre de M. Brueys, intitulé, Examen des raisons qui ont donné lieu à la séparation des protestans, et par occasion sur ceux du même caractère [1]. On y ajouta un avertissement où, après avoir montré combien le livre de M. Brueys était capable de faire illusion, et la nécessité qu’il avait d’y répondre, on attribuait sa conversion à des motifs purement mondains, on l’attaquait même sur ses mœurs. Cet avertissement était suivi d’une longue Lettre de l’auteur à un de ses amis, en lui envoyant son manuscrit, c’est-à-dire, à M. Bayle. M. Lenfant y donnait le caractère du livre de M. Brueys, et en marquait plusieurs endroits faibles. Cette réponse est écrite avec beaucoup d’esprit, de jugement et de modération, qualités qui règnent dans tous les ouvrages de M. Lenfant.

1684.

M. Bayle s’était toujours plu à ramasser ces sortes de pièces qu’on appelle fugitives, parce qu’elles disparaissent presque aussitôt qu’elles ont paru. Le seul moyen de les conserver, c’est d’en assembler assez pour faire un volume. C’est ce que M. Bayle fit à l’égard de quelques écrits qui regardaient la philosophie de Descartes. Il les publia sous ce titre : Recueil de quelques pièces curieuses concernant la philosophie de M. Descartes. À Amsterdam, chez Henry Desbordes. M. DC. LXXXIV. Il y mit une préface où il faisait l’histoire de ces pièces, et déplorait la servitude où les écrivains se trouvaient en France. « Ce serait un grand malheur pour toute la république des lettres, dit-il, si on était partout aussi formaliste et aussi pointilleux à l’égard de l’impression des livres qu’on l’est en France depuis quelque temps, où l’inquisition qui s’y établit à grands pas empêche de paraître plusieurs beaux ouvrages, et rebute les plus célèbres auteurs. Et qui ne serait rebuté de voir que ceux qui sont établis pour l’approbation des livres gardent un manuscrit des trois ou quatre ans sans y regarder, et qu’ils en désapprouvent tout ce qui sent une âme élevée au-dessus de la servitude et des opinions populaires ? Quelle mortification pour un auteur, qui ne trouve jamais que les presses roulent assez vite sur ses ouvrages, de voir qu’après un délai de trois ou quatre ans, on lui ordonne de supprimer ce qu’il estime le plus dans ses écrits, s’il n’aime mieux les voir condamner à une éternelle prison, par le refus qu’on lui fera d’un privilége du roi ! » Ce recueil contient : 1o. Une espèce de concordat passé entre les Jésuites et les pères de l’oratoire, par lequel ceux-ci s’engagent à

  1. À Rotterdam, chez Reinier Leers, M. DC. LXXXIV, in-12.