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VIE DE M. BAYLE.

1 de mai, et l’acheva le 15 du même mois ; de sorte que cet ouvrage, quoique assez gros [1], fut fait dans l’espace de quinze jours, comme il le dit lui-même dans la dernière lettre. Il prit toutes les précautions possibles pour se cacher. Dans l’avertissement, il faisait dire au libraire que ce recueil de lettres lui étant tombé entre les mains, il avait cru le devoir publier incessamment ; et qu’on l’avait chargé de faire savoir au lecteur que ces lettres avaient été effectivement écrites à un gentilhomme de campagne du pays du Maine, et envoyées conformément à leurs dates. Il ne voulut pas même le faire imprimer à Rotterdam ; mais étant allé voir Amsterdam, il y porta son manuscrit, et le donna à Abraham Wolfgang, libraire, le 30 du mois de mai. Ce livre parut au commencement de juillet sous ce titre : Critique générale de l’Histoire du calvinisme de M. Maimbourg. À Villefranche, chez Pierre Le Blanc. M. DC. LXXXII. M. Bayle en reçut des exemplaires le 11 du même mois.

Cet ouvrage eut l’approbation non-seulement des réformés, qui y étaient si bien défendus contre les attaques de M. Maimbourg, mais même des catholiques judicieux et modérés. Il en passa plusieurs exemplaires en France, qui furent recherchés avec empressement. Le prince de Condé, prince bien capable de juger du mérite d’un ouvrage, ne pouvait se lasser de le lire. Il est vrai qu’il n’aimait pas M. Maimbourg. Cet historien, pour plaire à la cour qui lui faisait pension, avait affecté de ne point parler de son Altesse en faisant les éloges de ses ancêtres. M. Bayle ne manqua pas de le relever là-dessus [2], et M. le prince lui en sut bon gré. Cette critique chagrina cruellement M. Maimbourg : l’estime qu’on en faisait le mettait au désespoir. Il sollicita plusieurs fois M. de la Reynie de la condamner ; mais ce magistrat, qui l’avait lue avec plaisir, et qui n’était pas fâché qu’on eût mortifié M. Maimbourg, le renvoyait toujours. Enfin il s’adressa au roi, et en obtint un ordre à M. de la Reynie de faire brûler en Grève la Critique générale de l’Histoire du calvinisme de M. Maimbourg, et de défendre à tous imprimeurs et libraires d’imprimer, vendre ou débiter ce livre, à peine de la vie. M. de la Reynie obéit, et mit dans sa sentence tout ce que M. Maimbourg voulut ; on y découvre aisément le style d’un auteur et d’un auteur irrité [3] : mais pour se venger de M. Maimbourg, il fit imprimer plus de trois mille exemplaires de cette sentence, et les fit afficher par tout Paris ; ce qui excita tellement la curiosité du public, que chacun voulait avoir la Critique de M. Maimbourg.

Cet ouvrage fut enlevé en Hollande presque aussitôt qu’il parut ; et dès le mois d’août M. Bayle prépara une nouvelle édition. Il l’augmenta de la moitié, et y mit une préface où il continuait

  1. C’était un volume in-12 de 339 pages, menu caractère.
  2. Lettre xix, p. 268, 269.
  3. On trouvera cette sentence à la fin de ces mémoires.