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VIE DE M. BAYLE.

sans la connaissance d’un Dieu, qu’engagé dans le culte abominable des idoles ; et plusieurs autres sur lesquelles un grand et savant théologien comme celui-là peut avoir des pensées très-instructives et très-dignes de voir le jour. »

Mais, malgré tous ces déguisemens, on sut bientôt que M. Bayle était l’auteur de la Lettre sur les comètes. Le sieur Leers avait montré le manuscrit à M. Paets, et lui avait dit de qui il le tenait ; et M. Paets n’en fit point de mystère à ses amis [1] : il crut même rendre un bon service à l’auteur en le découvrant [2]. M. Jurieu le sut aussi par cette voie, ou immédiatement ou médiatement ; et en ayant parlé à M. Bayle, avec un petit reproche sur ce que d’autres savaient le secret pendant qu’il me le savait pas, M. Bayle lui déclara comment tout s’était passé, et s’éclaircit avec lui touchant quelques points du livre [3]. M. Jurieu parlait de cette Lettre avec éloge [4] ; mais, dans le fond, il souffrait impatiemment l’honneur qu’en recevait M. Bayle, jaloux comme il était de la gloire de ses amis.

Madame Paets mourut dans ce temps-là. Elle donna une preuve de l’estime qu’elle avait pour M. Bayle en lui léguant deux mille florins pour acheter des livres. M. Bayle conserva toujours le souvenir de cette générosité, comme nous le verrons dans la suite.

M. Maimbourg venait de publier son Histoire du calvinisme. Cet ouvrage avait pour objet des matières très-importantes : il s’agissait de prononcer sur l’esprit et sur la conduite des réformés de France, depuis qu’ils s’étaient séparés de l’église romaine. M. Maimbourg avait employé tous les artifices de sa plume pour leur attirer le mépris et la haine des catholiques. M. Bayle, indigné de la mauvaise foi et du dessein pernicieux de cet auteur, résolut de réfuter son Histoire. Il profita des vacances de Pâques pour y travailler, et écrivit sa réponse en forme de lettres. Mais il ne jugea pas à propos de suivre son adversaire pied à pied. Il crut que pour détromper le public, et montrer le peu d’estime que méritait M. Maimbourg, il suffisait, en supposant même comme véritables les faits qu’il rapportait, de donner des considérations générales sur son Histoire, qui découvrissent sa malignité, son emportement, et les maximes cruelles et sanguinaires qu’il tâchait d’inspirer à ses lecteurs. M. Bayle s’égaya sur diverses particularités de la vie et des disputes de cet écrivain, et en fit un portrait très-ressemblant, mais peu avantageux. « [5] Ce n’était point une critique amère et chagrine ; c’était un badinage ingénieux, et cependant plein de sens et de raison, plus propre à embarrasser ou à déconcerter son adversaire que des argumens graves et sérieux. »

Il commença à y travailler le

  1. Chimère démontrée, préf., p. clxxj.
  2. Cabale chimérique, p. 206.
  3. Préface, ubi supr., p. clxxj.
  4. Chimère démontré, p. 207.
  5. Éloge de M. Bayle, par M. de Beauval.