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VIE DE M. BAYLE.

blimes de la philosophie, M. Poiret se tira assez mal de quelques-unes de ses difficultés [1].

M. Bayle profita des vacances de l’automne pour aller faire un tour à Paris, d’où il passa à Rouen pour voir M. Basnage [2].

1680.

L’affaire de M. de Luxemboug faisait alors beaucoup de bruit. Il avait été déféré à la chambre des poisons comme coupable d’impiétés, de maléfices et d’empoisonnemens, et il s’était constitué prisonnier : mais il fut déclaré innocent, et les procédures furent supprimées. M. Bayle, qui en avait appris plusieurs particularités étant à Paris, se divertit à composer une harangue ce maréchal plaidait sa cause devant ses juges, et se justifiait d’avoir fait un pacte avec le diable, 1°. pour jouir de toutes les femmes qu’il voudrait ; 2°. pour être toujours heureux à la guerre ; 3°. pour gagner tous ses procès ; 4°. pour avoir toujours les bonnes grâces du roi. Ces quatre points faisaient la division de la harangue, qui contenait une satire très-vive contre le maréchal, et contre plusieurs autres personnes. M. Bayle fit ensuite sous le nom d’un autre, la critique de cette harangue, qui est encore plus satirique que la satire même. Il envoya ces deux pièces à M. Minutoli et le pria de lui en dire son sentiment ; et pour l’engager à en parler avec plus de liberté, il lui en cacha l’auteur. « Je vous envoie, dit-il [3], la copie d’une harangue qu’on a faite au nom du duc de Luxembourg, pour trouver moyen de décrire une partie de sa vie. Si j’ai le temps, je ferai copier une espèce de censure de ladite harangue. Vous m’obligerez de m’apprendre votre sentiment sur ces pièces-là ; car un de mes amis de Paris, qui connaît l’auteur de la seconde pièce, et qui, peut-être par prévention pour son ami, penche à croire que la harangue ne vaut rien, m’a engagé à lui promettre que je lui écrirais mon sentiment sur l’une et sur l’autre. Or, comme je n’ai pas le temps, et que d’ailleurs vous êtes bien plus capable d’anatomiser ces sortes d’ouvrages, pour en faire voir le fort et le faible, je vous supplie, monsieur, d’y donner quelques heures. Je donnerai à mon ami ce qu’il souhaite, et je suis sûr qu’il fera plus de cas de votre jugement que du mien, car il connaît le prix des choses ; et qu’il aimera mieux que je le satisfasse de votre bourse que de la mienne. »

Dans ce temps-là, le père de Valois, jésuite de Caen, déguisé sous le nom de Louis de la Ville, publia à Paris un livre intitulé, Sentimens de M. Descartes touchant l’essence et les propriétés du corps, opposés à la doctrine de l’église et conformes aux erreurs de Calvin sur le sujet de l’eucharistie. L’auteur ne se

  1. Voyez la lettre à M. Des Maiseaux, du 3 de juillet 1705, p. 1027.
  2. Lettre à M. Minutoli, du 1er. de janvier 1680, p. 153
  3. Lettre du 24 de mars 1680, pag. 162, 163. Voyez aussi la lettre du 1er. de janvier 1681, p. 169.