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VIE DE M. BAYLE.

capable, il se mit à relire les anciens auteurs grecs et latins : mais, après y avoir bien réfléchi, il ne put se résoudre à régenter dans une classe, et négligea cette sorte d’établissement.

1672.

Il n’y avait pas deux ans que M. Bayle était à Genève, lorsque M. le comte de Dhona, seigneur de Copet, baronie dans le pays de Vaud à deux lieues de Genève, pria M. Basnage de lui chercher un gouverneur pour ses fils. M. Basnage lui nomma M. Bayle comme une personne extrêmement propre à les bien former. Il en parla en même temps à M. Bayle, qui eut d’abord quelque répugnance à prendre le parti qu’on lui proposait. Il ne pouvait se résoudre à perdre les agrémens qu’il trouvait à Genève, pour s’enterrer à la campagne. Cependant il y alla [1], et donna ses soins à l’éducation des jeunes comtes : Alexandre, qui a été gouverneur et ensuite ministre d’état du roi de Prusse ; Jean-Fridéric, surnommé Ferrassière, depuis lieutenant général dans les troupes de Hollande, gouverneur de Mons, et qui perdit la vie à l’affaire de Denain [2] ; et Christophle, qui assista de la part du roi de Prusse, comme électeur de Brandebourg, au couronnement de l’empereur Charles VI, et qui s’est distingué dans plusieurs autres emplois civils et militaires. Il demeura deux ans auprès de ces seigneurs ; et pendant ce temps-là il cherchait à égayer sa solitude par le commerce de lettres qu’il entretenait avec M. Minutoli, et avec M. Constant qui dans la suite a rempli les premières charges de l’Académie de Lausanne. Les lettres qu’il leur écrivait roulaient sur tout ce qui lui venait dans l’esprit, philosophie, littérature, nouvelles politiques qu’il aimait passionnément. [3] : il avouait lui-même qu’il écrivait sans s’attacher à une suite régulière de pensées [4]. Ce commerce ne fut cependant pas capable d’adoucir ennui qui le saisit à Copet, et. il prit la résolution de quitter ce lieu. Il en informa M. Basnage, qui était retourné en France, en lui demandant ses bons offices. M. Basnage lui apprit qu’un de ses parens, qui étudiait à Genève, avait ordre de revenir à Rouen ; il pria M. Bayle de l’accompagner, et le flatta qu’il lui procurerait quelque avantage dans cette ville [5]. M. Bayle reçut cette nouvelle avec beaucoup de plaisir ; mais l’embarras était de trouver un prétexte pour quitter M. le comte de Dhona. M. Bayle eut recours à celui-ci, qui devait naturellement empêcher le comte de s’opposer à la perte qu’il allait faire ; il dit que son père, qui était dangereusement malade, lui ordonnait de partir en toute diligence pour se rendre auprès de lui [6].

  1. Le 23 de mai.
  2. Le 24 de juillet 1712.
  3. Voyez dans les Lettres de M. Bayle, imprimées à Amsterdam en 1729, la lettre à M. Minutoli, du 27 février 1673, p. 24.
  4. Lettres à M. Minutoli, du 31 janvier et du 2 de mai 1673, p. 20, 25, 26 ; et du 8 de mars 1674, p. 37, 38.
  5. Lettre à M. Minutoli, du 17 de mai 1674, p. 52.
  6. Lettre à M. Constant, du 5—15 et du 14—24 de mai 1674, p. 48, 53.