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VIE DE M. BAYLE.

nière qui puisse satisfaire la conscience d’une personne éclairée et raisonnable. Autrement, c’est une opiniâtreté pure, et un faux honneur, que de vouloir demeurer dans des principes d’où on tire de si horribles conséquences. M. le Clerc approuva ce jugement. « M. Jaquelot remarque fort bien, dit-il [a], que si l’on accorde à M. Bayle que la raison ne peut rien répliquer aux conséquences qu’il tire du dogme de la prédestination absolue, contre la religion, c’est avouer que ces conséquences sont bien tirées, et par conséquent que le dogme est faux. Il en faut convenir ou renoncer à toute logique. M. le Clerc ajoute « que l’intérêt politique, que quelques personnes eurent autrefois de soutenir la prédestination absolue, ayant cessé, il serait bien temps qu’on revînt d’un dogme dont on voit que l’on tire des conséquences auxquelles on avoue qu’on ne peut pas répondre. »

D’un autre côté, M. la Placette, peu content des hypothèses de MM. le Clerc et Jaquelot, se crut obligé de répondre aux objections des manichéens par les principes des réformés. Mais comme il avait un grand fonds de modération, il poussa ses égards pour M. Bayle jusqu’à ne vouloir pas même le nommer. Son livre a pour titre : Réponse à deux objections, qu’on oppose, de la part de la raison, à ce que la foi nous apprend sur l’origine du mal, et sur le mystère de la trinité, etc. [b]. « Quelques auteurs distingués, dit-il [c], ont entrepris de répondre à ces objections, surtout à la première, qui est la plus plausible. Mais comme ils ont bâti sur des fondemens qui ne me paraissent nullement solides, et qui ne sont pas même reçus partout, il était à souhaiter qu’un autre se mît sur les rangs, et qu’il examinât ces objections en les comparant avec des principes plus sûrs et moins contestés. » M. le Clerc, parlant de cet ouvrage de M. la Placette, remarqua [d] « qu’il avait été composé avant la mort de M. Bayle, mais qu’heureusement il n’avait été publié de son vivant. Si M. Bayle, dit-il, l’avait vu, je suis sûr que, de l’humeur dont il était, il se serait mis à couvert de la réputation de l’auteur. Il aurait dit qu’il était prêt à souscrire à ce livre, sans changer de sentiment, et aurait prétendu être aussi orthodoxe que M. de la Placette, à qui d’ailleurs personne ne le comparera. » N’était-ce pas avouer que les principes de M. Bayle étaient conformes à ceux de ce savant et judicieux théologien ?

M. Naudé publia, en 1708, un livre intitulé, la Souveraine perfection de Dieu dans ses divins attributs, et la parfaite intégrité de l’Écriture, prise au sens des anciens réformés, défendue par la droite raison, contre toutes les objections du manichéisme, répandues dans les livres de M. Bayle [e]. Dans cet ouvrage, M. Naudé oppose aux objections manichéennes le sentiment des supralapsaires, persuadé que c’est le seul système où l’on en trouve le dénoûment. Ainsi, il est fort éloigné d’approuver les hypothèses de MM. King, le Clerc et Jaquelot. Il les réfute même avec beaucoup de vivacité, et s’étend fort au long à faire voir que M. Jaquelot n’a pas répondu solidement à M. Bayle. Enfin, il soutient que M. Bayle a triomphé de M. Jaquelot et de M. le Clerc. « M. Jaquelot, dit-il [f], en suivant un système qui n’est qu’une pure invention humaine, tâche de justifier Dieu du blâme d’être, en aucune manière, auteur du péché. D’abord il s’en acquitte très-mal, puisqu’en tirant de sa doctrine des conséquences très-nécessaires, il s’ensuivra que Dieu est l’auteur du péché, quoi que M. Jaquelot puisse dire au contraire, et le dernier ouvrage de M. Bayle [g] vient de prouver cette vérité d’une manière invincible. D’ailleurs il fait encore Dieu auteur du péché, d’une autre

  1. Bibliothéque choisie, tom. XI, pag. 412, 413.
  2. Imprimé à Amsterdam, en 1707.
  3. Réponse à deux objections etc., Préface, fol. * 3.
  4. Bibliothéque choisie, tom. XIII, p. 415, 416.
  5. Imprimé à Amsterdam, en deux vol. in-12.
  6. La Souveraine perfection de Dieu, etc., préface, p. xxxiv, xxxv.
  7. Entretiens de Maxime et de Thémiste, etc.