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VIE DE M. BAYLE.

dans la suite de réfuter les calomnies qu’on avait publiées au sujet de son séjour à Toulouse et de ses études chez les jésuites, a fait l’histoire de son changement de religion, et de son retour à l’église réformée. « Ce qu’il y a de vrai, dit-il [a], est que M. Bayle, pendant qu’il faisait sa philosophie dans l’académie de Puylaurens, ne se borna pas tellement à la lecture de ses cahiers, qu’il ne lût aussi quelques livres de controverse, non pas dans l’esprit qu’on fait ordinairement, c’est-à-dire, pour se confirmer dans les opinions préconçues, mais pour examiner, selon le grand principe des protestans, si la doctrine que l’on a sucée avec le lait est vraie ou fausse : ce qui demande qu’on entende les deux parties. C’est pourquoi il fut curieux de voir dans leurs propres livres les raisons des catholiques romains. Il trouva des objections si spécieuses contre le dogme qui ne reconnaît sur la terre aucun juge parlant, aux décisions duquel les particuliers soient obligés de se soumettre, quand il arrive des disputes sur le fait de la religion, que, ne pouvant se répondre à lui-même quand il lisait ces objections, et moins encore défendre ses principes contre quelques subtils controversistes avec lesquels il disputa à Toulouse, il se crut schismatique, et hors de la voie du salut, et obligé de se réunir au gros de l’arbre, dont il regarda les communions protestantes comme des branches retranchées. S’y étant réuni, il continua ses études de philosophie [b] dans le collége des jésuites, comme font, dans tous les pays où l’église romaine domine, presque tous ceux qui étudient, de quelque qualité et condition qu’ils soient. Mais le culte excessif qu’il voyait rendre aux créatures lui ayant paru très-suspect, et la philosophie lui ayant fait mieux connaître l’impossibilité de la Transsubstantiation, il conclut qu’il y avait du sophisme dans les objections auxquelles il avait succombé ; et faisant un nouvel examen des deux religions, il retrouva la lumière qu’il avait perdue de vue, et la suivit sans avoir égard ni à mille avantages temporels dont il se privait, ni à mille choses fâcheuses qui lui paraissaient inévitables en la suivant. »

(C p. 55.) Quoiqu’il s’éloignât des sentimens des réformés en plusieurs choses, il ne laissait pas de s’ériger en zélé défenseur de l’orthodoxie. ] Il avait publié en 1670 une réponse au livre de la Réunion du christianisme, écrit par M. Dhuisseau, ministre de Saumur ; mais sa réponse fut condamnée dans le synode de Saintonge, comme contenant des propositions hérétiques. Il fit ensuite une Dissertation sur la nécessité du baptême, où il défendait une des erreurs de l’église romaine, et on eut bien de la peine à le résoudre à supprimer cet écrit. On ne trouva pas moins de difficulté à lui faire retrancher de son Apologie de la Morale des réformés [c], des propositions hérétiques. Cependant il se ligua avec quelques autres théologiens pour persécuter M. Pajon, ministre d’Orléans, qui avait sur la grâce un système particulier, mais qui revenait dans le fond au dogme de la prédestination absolue, et de la persévérance finale, enseigné par les églises réformées de France [d].

(D p. 58.) L’arrêt contre les relaps. ] On appelait relaps les réformés qui, après avoir embrassé la religion romaine, l’abandonnaient pour reprendre la protestante. Dès l’année 1657, on commença d’inquiéter plusieurs réformés, sous prétexte qu’ils étaient relaps, mais cela se faisait sans ordre exprès de la cour [e]. La première déclaration qui parut contre eux fut donnée au mois d’avril 1663 : elle portait qu’ils seraient punis suivant la rigueur des ordonnances ; expres-

  1. Chimère de la cabale de Rotterdam démontrée, p. 139 et suiv.
  2. Il n’avait encore étudié que quatre ou cinq mois en philosophie. Voyez la Chimère démontrée, p. 151 ; et la lettre à M. Pinson, ci-dessus rem. (A).
  3. Ce livre parut en 1674.
  4. Voyez la Réponse à l’Apologie de M. Jurieu, par M. de Bauval, p. 10.
  5. Voyez l’Histoire de l’édit de Nantes, tom. III, p. 66, 132, 230, 248.