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VIE DE M. BAYLE.

d’ôter à l’homme cette espèce de liberté. On montre ensuite ce qui a pu faire illusion à M. Jaquelot, et le détourner du véritable état de la question sur cet article.

La quatrième faute de M. Jaquelot, c’est qu’il attaque M. Bayle sur la concorde de la foi et de la raison, et dit au fond la même chose que lui. On avait cru, en lisant le titre de son premier livre : Conformité de la foi avec la raison, etc., qu’il avait entrepris de prouver cette conformité selon le plan qui se trouve dans la Réponse au provincial, et qui revient à ceci : [1] « Il faut montrer non-seulement qu’on a des maximes philosophiques qui sont favorables à notre foi, mais aussi que les maximes particulières qui nous sont objectées comme non conformes à notre catéchisme, y sont effectivement conformes d’une manière que l’on conçoit distinctement [2]... Cet accord demande non-seulement que votre thèse soit conforme à plusieurs maximes philosophiques, mais aussi qu’elle ne soit pas victorieusement combattue par quelques autres maximes de la raison. Or, elle en sera combattue victorieusement si vous ne pouvez vous défendre que par des distinctions inintelligibles, ou qu’en vous excusant sur la profondeur impénétrable du sujet. » Il était facile à M. Jaquelot, ajoute-t-on, de s’apercevoir avant que de lire ce plan, que c’est là ce qu’on demande, lorsqu’on souhaite la conformité de la foi avec la raison. Mais il s’en faut bien qu’il ait travaillé sur cette idée. « Quand je parle de la conformité de la foi avec la raison, dit-il dans son dernier livre [3], je veux dire qu’il ne faut point renoncer à la raison pour admettre la religion, car quoiqu’il y ait des mystères dans la religion que la raison ne saurait comprendre, il ne s’ensuit pas que ces mystères soient contraires à la raison : de même qu’il ne s’ensuit pas que la divisibilité des corps à l’infini ni le mouvement soient contraires à la raison, encore qu’elle ne puisse répondre aux difficultés qui combattent ces propositions. » On remarque que si M. Jaquelot ne prétend autre chose, il a attaqué très-mal à propos M. Bayle, puisque M. Bayle n’a jamais dit qu’il faut renoncer à la raison pour admettre la religion, et qu’au contraire il a répété mille fois que l’on ne saurait agir plus conformément à la raison qu’en préférant l’autorité de l’Écriture aux maximes philosophiques qui s’opposent à nos mystères. Ainsi l’on montre que c’est en vain que M. Jaquelot veut mettre de la différence entre sa doctrine et celle de M. Bayle ; et que par l’état de la question donné par M. Bayle, il paraît que M. Jaquelot et lui n’ont point de dispute réelle.

La cinquième faute qu’on trouve dans M. Jaquelot, c’est d’avoir entrepris un accommodement dont personne n’avait be-

  1. Réponse aux Questions d’un provincial, tom. III, pag. 685.
  2. Ibid., pag. 687.
  3. Examen, etc., p. 287.