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VIE DE M. BAYLE.

qui selon lui tend à faire Dieu auteur du péché, et à détruire la religion. M. Jaquelot répond ici [1], qu’il n’a point écrit contre M. Jurieu parce qu’il le croit de bonne foi dans son système, sans donner aucune atteinte directe aux fondemens de la religion ; mais qu’il a voulu réfuter M. Bayle seul, parce qu’il le croit mal persuadé du système établi par le synode de Dordrecht, et mal intentionné pour les principes de la religion. M. Bayle trouve cette distinction fort singulière. Personne, dit-il, ne s’était encore avisé de séparer de telles choses. On avait toujours cru que si deux auteurs enseignaient la même doctrine, il n’était pas possible de réfuter celle de l’un sans réfuter celle de l’autre. Il rappela à M. Jaquelot la déclaration qu’il avait faite dans la préface de son premier livre, qu’il n’avait aucun dessein d’attaquer la personne ni le cœur de M. Bayle, ni de pénétrer dans son intention ; déclaration qu’il avait répétée dans le corps de l’ouvrage en ces termes : Je ne veux point pénétrer les vues secrètes de cet auteur... gardons-nous des jugemens téméraires [2]. Mais dans son second livre il ne cesse d’affirmer que M. Bayle a de très-mauvaises intentions. On lui demande d’où lui sont venues ces nouvelles lumières ; et on attribue ce changement de conduite à une passion irritée du mauvais succès de l’attaque. On ajoute, que M. Jaquelot, lors même qu’il écrivait sa réplique, ayant prévu que la chaleur de la dispute et le besoin des prétextes le contraindraient à répéter mille fois ses jugemens téméraires, en avait donné un désaveu dans les formes et une espèce de rétractation : Je souhaite seulement, dit-il [3], qu’on se souvienne que je ne prétends parler ni de la personne de M. Bayle, ni de son cœur.... Le titre de ce chapitre, dit-il, quelques pages après [4], montre assez que je ne veux parler ni de l’intention ni du cœur de M. Bayle.

La troisième faute qu’on reproche à M. Jaquelot, c’est de soutenir encore dans sa réplique, que M. Bayle ôte à l’homme toute sorte de liberté. On lui avait déjà répondu que M. Bayle n’avait rien affirmé ou nié sur cette matière, et que cette discussion était inutile, puisque M. Bayle consentait de disputer avec lui comme avec un pélagien. On l’avait toujours combattu en supposant la liberté d’indifférence, et en faisant voir que cette liberté n’affaiblissait point les objections manichéennes. Ainsi M. Bayle n’avait aucun intérêt à la réfuter, quoiqu’il eût pu le faire sans détruire toute sorte de liberté ; puisque les contre-remontrans qui rejettent la liberté d’indifférence, ne laissent pas de soutenir que l’homme agit librement en ce qu’il agit volontairement et avec délibération. M. Bayle n’a jamais entrepris

  1. Examen de la théologie de M. Bayle, pag. 66, 67.
  2. Conformité de la foi avec la raison, etc., pag. 222.
  3. Examen, etc., pag. 60.
  4. Ibid., pag. 78.