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VIE DE M. BAYLE.

misère et avec le péché de l’homme ; M. Bayle ne dit que cela ; l’autre est d’accuser Dieu de n’être ni bon ni saint ; M. Bayle n’a jamais fait une telle chose. »

M. Bayle ne s’arrête point sur l’origénisme : il prétend que M. le Clerc n’a rien dit de nouveau sur ce sujet, et qu’il n’a point répliqué aux raisons de son adversaire ; qu’ainsi elles subsistent dans toute leur force, et qu’il suffit de prier le lecteur de comparer les pièces de part et d’autre pour s’en convaincre. Il ne s’arrête guère davantage sur ce que M. le Clerc avait dit touchant l’excellence et l’usage de la raison. Il remarque seulement que le résultat de la dispute manichéenne que l’on a décrite a été toujours qu’il fallait en inférer la nécessité de captiver son entendement sous l’autorité de Dieu ; et que c’est un principe commun à tous les chrétiens qui admettent le mystère de la trinité et quelques autres. « M. le Clerc, ajoute-t-il [1], propose beaucoup de difficultés là-dessus, comme si le plus affreux pyrrhonisme était inévitable, au cas que les vérités révélées ne fussent pas conformes aux notions communes. On n’a rien à dire contre cela, si ce n’est qu’il y a long-temps que les unitaires font ces objections, et que les catholiques romains, les luthériens, et les réformés les réfutent. » Il défie M. le Clerc d’oser dire qu’il n’abandonne pas les notions communes, lorsqu’il reconnaît en Dieu trois personnes réellement distinctes, coessentielles, et consubstantielles ; et par conséquent c’est à lui à répondre aux difficultés qu’il propose contre le principe ordinaire des théologiens, à la confirmation duquel M. Bayle fait servir toute la dispute en question.

M. Bayle fait un parallèle de son sentiment avec celui de M. le Clerc, afin, dit-il [2], que tout le monde puisse connaître si M. le Clerc a eu raison d’intituler son Écrit, Défense de la Bonté et de la Sainteté Divine contre les objections de M. Bayle. Il suppose que M. le Clerc et lui disputent avec un disciple de Zoroastre sur l’unité du principe de toutes choses. M. Bayle, dit-il, commencera l’attaque, et forcera l’ennemi dans tous ses retranchemens. Mais ce n’est pas là la difficulté : il s’agit de résister au zoroastrien, lorsqu’il attaquera à son tour, et qu’il s’attachera à faire voir que le péché et ses suites ne s’accordent point avec l’idée d’un seul Être infiniment bon et infiniment saint. M. Bayle l’arrêtera tout d’un coup, en lui déclarant qu’il n’admet point pour la règle de la bonté et de la sainteté de Dieu, les idées que nous avons de la bonté et de la sainteté en général : et en lui opposant son système conforme aux principes des théologiens les plus orthodoxes, il défendra heureusement cette thèse : :« Dieu est infiniment bon et saint, quoique nos lumières soient trop petites pour concilier sa bonté et sa sainteté avec les misères et avec les crimes du genre hu-

  1. Réponse pour M. Bayle, etc., p. 29.
  2. Ibid., p. 40 et suiv.