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VIE DE M. BAYLE.

du XIIIe. articles [1] du IXe. tome de la Bibliothéque choisie [2]. « On avait bien cru, dit-il [3], que M. le Clerc se fâcherait de la déroute de son origéniste et de ses natures plastiques, mais non pas qu’il en concevrait une colère qui l’empêcherait de faire attention aux désordres du parti qu’il choisirait. On n’a donc point vu sans surprise la manière de se venger qui lui a paru préférable à toutes les autres ; mais au lieu de s’irriter contre lui, l’on a eu une véritable compassion de sa conduite. L’on n’a pu voir sans pitié qu’un homme qui jouit de beaucoup de gloire dans la république des lettres ait été si sensible à un échec de peu d’importance. Il devait s’en consoler à la vue des autres exploits qui lui ont mieux réussi, ou pour le moins ne se pas livrer à un chagrin qui le poussât à déclamer d’une façon tout-à-fait indigne d’un homme d’honneur et de jugement. Il s’est ingéré à fouiller dans le cœur de M. Bayle, il lui a imputé des desseins horribles, il a répété cent fois ces accusations, toujours d’une manière vague, toujours sans aucun vestige de preuve, toujours sans avoir égard aux déclarations nettes et précises qui se trouvent en mille endroits des écrits de M. Bayle. » Il remarque que la république des lettres ne serait qu’un pays de brigandage, s’il était permis d’y attaquer ses adversaires sous prétexte qu’ils cacheraient un mauvais dessein au fond de leur cœur, et il ajoute que cette conduite ne convient point à M. le Clerc, qui a si bien peint ceux qui, pour rendre leurs adversaires odieux, se couvrent du prétexte des intérêts de la religion. « Lui convient-il après cela, dit-il [4], de déclamer comme il a fait contre M. Bayle précisément lorsqu’il a vu que par la voie légitime de la dispute il ne pouvait plus soutenir le choc ? Lui convient-il de se donner pour un homme rongé du zèle de la maison de Dieu ? Ce zèle, qui a été si tardif, serait à naître, si M. Bayle avait renoncé à sa remarque sur M. Cudworth, et s’il n’avait point réfuté les raisons de l’origéniste. » Il oppose à M. le Clerc les plaintes qu’il avait faites contre ceux qui avaient accusé Grotius de favoriser le socinianisme, en donnant à quelques passages de l’Écriture un autre sens que le commun des controversistes orthodoxes, et qui en avaient conclu que son intention était de saper les fondemens du christianisme. « Personne, dit-il [5], ne s’est élevé avec plus de force contre de telles accusations que M. le Clerc. N’a-t-il donc pas bonne grâce de dire aujourd’hui que M. Bayle fait l’apologie des athées, et qu’il a pour but de ruiner la religion ? Cette prétendue apologie est-elle autre chose que la réjection d’une fausse

  1. L’article XIII (ou plutôt X) de la Bibliothéque choisie regarde les natures plastiques, dont on a déjà parlé.
  2. Cet écrit est daté du 25 d’avril 1706.
  3. Réponse pour M. Bayle, etc., p. 1.
  4. Ibid., p. 5.
  5. Ibid., p. 7.