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VIE DE M. BAYLE.

manière peu exacte, et qu’il a donné lieu de mal prendre sa pensée ; et que si pour appuyer son sentiment il a allégué des auteurs qui disent en effet ce qu’il rapporte, M. Bayle en a cité d’autres, pour établir le sien, qui ont plus de poids et d’autorité. Il conclut son mémoire en excusant les fautes qui ont pu échapper à M. Teissier. « Voilà, dit-il, ce que j’ai à dire pour la défense de mes remarques : je laisse aux lecteurs à décider si elles ont été justes ; mais je déclare en même temps que, s’ils décidaient en ma faveur, ils ne laisseraient pas d’être obligés de convenir que M. Teissier est très-excusable, puisqu’il a suivi des auteurs qui doivent sembler bien instruits des choses, Personne, ajoute-t-il, n’a été plus persuadé que moi que mes petites observations ne feraient aucun préjudice à son ouvrage, et personne n’est plus intéressé que moi à bannir de la république des lettres cette fausse et pernicieuse maxime, qu’afin qu’un livre soit estimable il doit être sans défaut. L’affaire ne va pas mal pour certains ouvrages, et surtout pour les dictionnaires, lorsqu’il n’y a dans chaque page, l’une portant l’autre, que sept ou huit choses à corriger. »

M. Bayle se servit aussi du journal de M. de Bauval pour repousser les attaques d’un anonyme [1] qui avait publié à Paris un livre intitulé, la Distinction et la nature du bien et du mal ; traité où l’on combat l’erreur des manichéens, les sentimens de Montagne et de Charron, et ceux de monsieur Bayle, etc. [2]. On avait parlé fort avantageusement de cet ouvrage dans quelques écrits imprimés à Paris, et on disait même que M. Bayle ne pouvait pas se dispenser d’y répondre. M. Bayle le fit venir, et, après l’avoir examiné, il trouva qu’il n’avait pas besoin d’y répondre par rapport à ceux qui savaient ce qu’il avait dit des manichéens ; et qu’un petit mémoire suffisait, par rapport à ceux qui ne le savaient pas. Il ne s’agissait que de faire voir que l’anonyme n’avait rien compris dans l’état de la question, ou qu’il avait fait semblant de n°y rien comprendre. Dans ce mémoire [3], M. Bayle remarqua que tout ce que cet auteur avait dit de son chef, ou qu’il avait tiré de saint Augustin, n’aboutissait qu’à montrer, « 1o. que le système des deux principes est faux, absurde, et visiblement contraire aux idées de l’Être souverainement parfait ; 2o. que ce système est surtout absurde, ridicule, et abominable dans les détails où les manichéens descendirent. » Mais il ne s’agissait pas de ces deux propositions : M. Bayle les avait expressément avouées, et par conséquent il était inutile de s’attacher à les lui prouver. Il avait seulement soutenu que l’hy-

  1. Cet anonyme était un chartreux de Paris, nommé don Alexis Gaudin. Il était neveu de l’abbé Gaudin, chanoine de Notre-Dame.
  2. Imprimé à Paris en 1704.
  3. Histoire des ouvrages des savans, août 1704, p. 369 et suiv.