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VIE DE M. BAYLE.

cir des faits, l’auteur ne se doit servir que de ses propres pensées, ou que pour le moins il doit citer rarement. M. Bayle ajoute « que ce n’est point ici un livre dans le goût qui règne depuis quelques années, et dont peut-être le public se lasse déjà. Ce n’est point un recueil de pensées détachées, ou de maximes, ou de caractères, ou de bons mots, ou de bons contes. Qu’est-ce donc ? Il serait, répond-il, peut-être bien difficile de le définir, et l’on en laisse le soin à chaque lecteur ; on dira seulement que cet ouvrage ressemble un peu aux écrits qui parurent en si grand nombre dans le XVIe. siècle, sous le titre de Diverses Leçons, ou sous un titre qui revenait à cela. »

Cet ouvrage contient un mélange agréable et instructif de plusieurs discussions historiques, critiques, et littéraires. On y trouve aussi quelques remarques philosophiques, et quelques observations politiques. Aussitôt que ce livre parut en Hollande, un de mes amis me l’annonça comme une production de M. Bayle. Je demandai à M. Bayle s’il était vrai qu’il en fût l’auteur, et voici ce qu’il me répondit : « [1] Je ne suis point surpris qu’on vous ait écrit que j’étais l’auteur d’un livre nouveau, intitulé, Réponse aux Questions d’un Provincial. Tout le monde veut ici que je l’aie fait ; et, si j’avais de l’ambition, je m’opposerais à ce bruit, car cet ouvrage n’est pas fort propre à donner de la réputation à un homme. C’est un amas de petites observations qui ne peuvent plaire qu’à ceux qui ne négligent pas les curiosités littéraires, et qui, à l’exemple du public, ne les traitent pas de bagatelles » Quelque temps après, je le priai de me dire si cet ouvrage n’aurait pas une suite, et lui marquai le jugement que quelques personnes en faisaient. « Je ne répète point, me répondit-il [2], ce que je pense vous avoir témoigné assez clairement, que j’abandonne tous les intérêts de la Réponse aux Questions d’un Provincial. Il est pourtant vrai que je sais que le libraire ne se propose point d’en donner d’autres parties : je veux dire qu’il n’y a sur ce sujet ni plan ni dessein arrêté, et il n’a rien sous la presse d’approchant. On ne peut nier, ajouta-t-il, que ceux qui disent que l’ouvrage n’intéresse pas assez le public n’aient raison ; mais ils doivent considérer qu’un auteur ne peut guère intéresser le public, à moins qu’il ne discute des questions qui concernent l’honneur et la gloire de tout un peuple, ou de tout un corps de religion ; ou à moins qu’il ne traite de quelque dogme important dans la morale ou dans la politique. Tous les autres sujets dont les gens de lettres remplissent leurs livres sont inutiles au public, et il ne les faut considérer que

  1. Lettre du 9 de novembre 1703, p. 936. Voyez aussi la lettre à M. Marais, du 4 d’août 1704, p. 1001.
  2. Lettre du 8 de février 1704, p. 951.