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VIE DE M. BAYLE.

détraque que de deux ou trois secondes sur une année ; mais la justesse d’un ouvrier souverainement parfait exclut absolument toutes exceptions ; sa bonté, sa sainteté, sa sagesse, etc., sont absolument simples et sans nul mélange des qualités contraires, sans le plus petit mélange qui se puisse concevoir ou qui puisse être dans la nature des choses.

M. Bayle observe que « si Origène pouvait répondre aux objections des manichéens, il ne s’ensuivrait pas que l’on pourrait les résoudre, à plus forte raison, par des principes beaucoup meilleurs et plus orthodoxes que les siens ; car tout l’avantage qu’il peut trouver dans cette dispute procède des faussetés qui lui sont particulières, donnant d’un côté beaucoup d’étendue aux forces du franc arbitre, et substituant, de l’autre, à l’éternité malheureuse, qu’il supprime, une félicité éternelle. » En faisant succéder une éternelle béatitude aux tourmens que souffriront les damnés pendant quelques siècles, on lève la plus accablante de toutes les difficultés des manichéens ; car leur plus fort argument est fondé sur l’hypothèse que tous les hommes, à la réserve de quelques-uns, seront damnés éternellement ; et c’est là le sentiment de toutes les sociétés chrétiennes, si l’on en excepte les sociniens.

On imprima à Paris, en 1701, un volume intitulé, Naudæana et Patiniana, ou singularités remarquables, prises des conversations de mess. Naudé et Patin. Dans ces sortes d’ouvrages, on se sert du nom de quelque auteur célèbre pour débiter plusieurs particularités historiques et littéraires qui se rapportent au temps qu’il a vécu, et qu’on prend même quelquefois de ses écrits. Ces recueils ne seraient pas méprisables, si on pouvait compter sur les faits qui y sont rapportés ; mais on y avance ordinairement une infinité de choses fausses, incertaines ou destituées de plusieurs circonstances essentielles. Pour les rendre utiles, il faudrait les accompagner d’un commentaire qui leur servît de correctif et de supplément. C’est ce que fit M. ***, [* 1] à l’égard du Naudæana. Il y fit des corrections et des additions, dont il rendit compte dans une courte préface. « Tout le monde sait, dit-il, avec quelle avidité les ana sont à présent reçus ; mais il n’est personne aussi qui ignore que le peu d’exactitude qui s’y trouve diminue beaucoup le plaisir que pourraient faire naître au lecteur la variété des matières et la liberté des sentimens qui sont ordinairement inséparables de ces sortes de livres. C’est donc pour inspirer en quelque façon la pensée de les rendre dorénavant plus utiles, que j’ai entrepris d’ajouter une espèce de commentaire au prétendu Naudæana. L’unique but que je m’y propose est de fixer les époques de tous les faits dont il est parlé, d’y ajouter quelquefois des circonstances absolument nécessaires, enfin de ne rien laisser avancer à l’auteur qui

  1. * Lancelot.