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VIE DE M. BAYLE.

sortes d’obscénités ne sont pas du nombre de celles qu’on peut censurer avec raison.

M. Bayle fit une addition à l’article d’Origène à l’occasion du Parrhasiana de M. le Clerc. « On trouve dans cet ouvrage, dit-il, quelques réflexions sur la dispute des manichéens et des orthodoxes. Elles sont précédées d’une observation aussi équitable qu’on la pouvait espérer d’un très-honnête homme ; elles sont, dis-je, précédées d’un jugement tout-à-fait conforme à l’équité, à la vérité et à la raison, touchant les vues dans lesquelles je me suis donné la liberté de rapporter les objections des manichéens, et d’avouer que la lumière naturelle ne fournit pas aux chrétiens de quoi les résoudre, soit qu’on suive le système de saint Augustin ; soit qu’on suive celui de Molina et des remontrans, soit qu’on recoure à celui des sociniens. Théodore Parrhase soutient le contraire, et prétend qu’un origéniste peut fermer la bouche aux manichéens....... Si un homme de cette sorte, continue-t-il, peut réduire un manichéen au silence, que ne feraient pas ceux qui raisonneraient infiniment mieux que les disciples d’Origène ? Nous examinerons ce qu’il suppose que pourrait dire un origéniste après avoir lu toutes les objections des manichéens. » M. Bayle réduit la réponse de l’origéniste à ces trois propositions. 1o. Dieu nous a fait libres pour donner lieu à la vertu et au vice, au blâme et à la louange, à la récompense et aux peines. 2o. Il ne damne personne simplement pour avoir péché, mais pour ne s’être pas repenti. 3o. Les maux physiques et moraux du genre humain sont d’une durée si courte, en comparaison de l’éternité, qu’ils ne peuvent pas empêcher que Dieu ne passe pour bienfaisant et pour ami de la vertu. C’est dans cette dernière proposition, dit M. Bayle, que se trouve toute la force de l’origéniste, et voici pourquoi : c’est qu’il suppose que les tourmens de l’enfer ne dureront pas toujours, et que Dieu, après avoir jugé que les créatures libres ont assez souffert, les rendra ensuite éternellement heureuses. Le bonheur éternel qui leur sera conféré remplit, selon l’origéniste, l’idée d’une miséricorde infinie, quand même il aurait été précédé de plusieurs siècles de souffrance ; car plusieurs siècles ne sont rien en comparaison d’une durée infinie, et il y a infiniment moins de proportion entre le temps que cette terre doit durer et l’éternité, qu’il n’y en a entre une minute et cent millions d’années. Ainsi nous ne pouvons pas nous étonner raisonnablement que Dieu regarde les maux que nous souffrons comme presque rien, lui qui seul a une idée complète de l’éternité, et qui regarde le commencement et la fin de nos souffrances comme infiniment plus proches que le commencement et la fin d’une minute. Il faut raisonner de même des vices et des actions vicieuses ; qui, à l’égard de Dieu, ne durent pas long-temps, et