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VIE DE M. BAYLE.

était allé à la Haye, le désir que leurs altesses avaient de voir M. Bayle, M. Basnage l’en informa. Il vint et fut reçu des deux princesses avec beaucoup de distinction. La princesse Sophie s’entretint long-temps avec lui en particulier ; elle lui fit plusieurs questions, et ils se jetèrent sur de grandes matières. Pendant ce temps-là, M. Basnage entretint l’électrice de Brandebourg, qui lui parla avec beaucoup d’estime de M. Bayle et de ses ouvrages, qu’elle portait toujours avec elle. Ils demeurèrent avec M. le comte de Dhona, par ordre de leurs altesses. Ces princesses voulurent les mener à Delft ; mais M. Bayle apporta quelque retardement au départ, et on se sépara à la Haye [1].

1701.

Il parut, en 1701, un ouvrage intitulé : Dissertation apologétique pour le bienheureux Robert d’Arbrisselles, fondateur de l’ordre de Fontevrault, sur ce qu’en a dit M. Bayle dans son Dictionnaire historique et critique [2]. M. Bayle, parlant de Robert d’Arbrisselles [3], dit qu’on l’avait accusé de coucher avec quelques-unes de ses religieuses, afin qu’en irritant les passions il fît triompher plus glorieusement la vertu. Il est certain que Geoffroi, abbé de Vendôme et cardinal, avertit le bienheureux Robert des bruits qui couraient là-dessus, et le railla sur le nouveau genre de martyre qu’il avait imaginé. Le père de la Mainferme, religieux de Fontevrault, a entrepris la défense du fondateur de son ordre ; et M. Bayle avoue dans son Dictionnaire, qu’il trouve très-fortes les raisons de l’apologiste, et qu’il n’a garde d’affirmer ce qu’on disait de Robert. Cet aveu donna occasion au père Souri [* 1], religieux de ce même ordre [4], d’examiner cette matière plus à fond, et de la mettre dans un nouveau jour. Sa Dissertation est écrite en forme de lettre adressée à M. Bayle. Il le loue d’avoir donné à entendre qu’il ne croyait pas que ce qu’on disait du bienheureux Robert fût vrai, et donne en même temps de grands éloges à son Dictionnaire. « Il y a long-temps, dit-il [5], que la république des lettres vous est obligée ; mais le dernier service que vous venez de lui rendre par votre admirable Dictionnaire y met la dernière main. Ce n’est pas assez dire que vous nous avez donné un livre, vous nous avez donné une bibliothéque toute entière. La nouveauté du dessein, le discernement des faits historiques, l’exactitude de vos citations, cette attention, quoique retenue, qui règne dans tout ce prodigieux ouvrage à ne rien avancer de faux, à oser dire ce qui est vrai, selon les lois inviolables d’un véritable

  1. * Son nom était Soris, et non Souri.
  1. Mémoire MS. de M. Basnage.
  2. À Anvers (Amsterdam), chez Henri Desbordes ; in-12.
  3. À l’article Fontevraud, tom. VI, pag. 504.
  4. Voyez la Réponse aux questions d’un provincial, tom. I, ch. LXVII, p. 634.
  5. Dissertation apologétique, etc., pag. 1 et suiv.